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Tout dépassement est permis

par Abdou BENABBOU

Un citoyen exaspéré de voir plusieurs fuites d'eau sur le parcours qu'il emprunte journellement prit sur lui de tracer un plan détaillé en localisant avec précision toutes les rébellions hydrauliques constatées. Par devoir civique, il s'évertua à frapper à toutes les portes des administrations concernées par le problème, mais s'est retrouvé trimbalé d'une agence à une autre, d'un office et d'un service à d'autres pour buter finalement sur des oreilles sourdes et des esprits branlants et des bras croisés. Les eaux potables continuent à fuiter jusqu'à ce jour. Entre le dit et le fait des organismes concernés, comme pour d'autres, l'abîme est consternant.

A l'arrêt d'un tramway, debout sur le quai, un quidam portait une bavette. En accédant dans le tram, il enleva son masque et le mit dans sa poche. Devant une telle scène d'une débilité incroyable, on se surprend à se demander s'il faille libérer l'hilarité ou donner libre cours à ses larmes.

Croisés l'un avec l'autre, ces deux exemples ne sont pas si anodins qu'on le croit et le foisonnement de faits similaires indique des altérations sociales et des perversions démultipliées, ici et là, d'une société malade. De fait, s'attendre à ce qu'une Algérie nouvelle soit de la seule responsabilité d'un gouvernement et d'un président de la République, quels que soient leur génie et le haut degré de leur compétence, n'est que chimère.

L'articulation sociale contrariée par des comportements désarmants prouve que l'on se trompe d'adresse en croyant que le vrai pouvoir est au sommet de l'Etat. On se rend compte tous les jours qu'il est entre les mains de l'homme de la rue ou tapi derrière les guichets ferrés des administrations publiques. L'esprit dépravé de concitoyens de plus en plus nombreux tend à transformer les espaces communs à partager en terrain en friche où planter la prise de conscience est honni. La mort dans l'âme, chaque individu respectable est tenu de régler ses faits et gestes pour se conformer à une culture nouvelle s'étirant pour que le moindre dépassement soit permis.