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LES «BELLES FRAISES» (I/II)

par Belkacem Ahcene Djaballah

Côté jardin algérien, la nouvelle Apn ! Les femmes sont représentées -seulement- à hauteur de 8,49% dans la nouvelle composante, soit 35 des 407 sièges. A peine. On a donc droit à un Parlement à très, très, très forte domination masculine.

C'est là, indubitablement, une (autre) grave régression pour un pays qui, à l'issue des législatives de 2012, trônait au sommet du classement des pays arabes en matière de représentation féminine dans les Parlements nationaux avec pas moins de 146 femmes ayant accédé à la chambre basse, soit un taux dépassant 31%. Pourtant, lors de la campagne électorale, certains partis politiques et listes indépendantes n'ont pas hésité à user et abuser de l'argument féminin pour tenter d'intéresser les Algériens. Peut-être un peu trop. Certains chefs de parti, tentant de mettre en valeur leurs propres candidates (à l'image comme dans le discours), ont donné parfois dans la dérive langagière. A l'exemple du président d'un «parti», qui s'est fendu d'une hallucinante et peu diplomatique déclaration à propos des candidates de sa formation : «Nos beautés sont des médecins, des ingénieurs, des mariées, des directrices? Nous vous avons ramené des fraises, mais sélectionnées, pas celles destinées à l'Afrique du Sud». On a donc risqué l'incident diplomatique, surtout de la part d'un pays africain grand (et puissant) ami et grand exportateur, dans le monde, de fraises très, très belles et très bonnes.

Ce dérapage verbal filmé qui est vite devenu viral sur les réseaux sociaux a provoqué un tollé, les internautes dénonçant des propos «sexistes», «misogynes» et «attentatoires à la femme» qui illustrent la «médiocrité intellectuelle» bien plus des hommes se disant politiques que de la campagne pour les législatives elle-même. Le parti a quand même obtenu trois sièges. C'est tout dire des effets de son «discours».

Le drame, c'est que l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie) n'y a pas vu matière à sanction, ne serait-ce que par un «rappel à l'ordre», personne, selon elle, n'ayant déposé plainte pour diffamation.

Autre phénomène de régression politique relevé dans certaines régions à l'occasion de cette drôle de campagne : l'apparition du «floutage» des visages de candidates de certaines listes qui, à l'évidence, n'avaient pas assumé leur statut de prétendantes à l'APN ou n'étaient pas convaincues par une participation à cette joute à hauts risques ou alors acceptaient de subir le diktat du «chef» ou de l'époux, ou du «frère». Présentées seulement comme «alibi» ? Et, cela a été accepté (?) par l'Anie.

Pour le sociologue Mohamed Mebtoul, de l'université d'Oran, la cause est entendue : «Nous vivons encore dans une société patriarcale toujours forte dans son fonctionnement» et le chemin à parcourir pour parvenir à une parité homme-femme reste encore long : «Le recul (quoique non encore officiel) du taux de représentation des femmes au Parlement confirmera une sérieuse régression à la fois pour la vie politique et pour la condition féminine».

Côté jardin, à l'étranger : au Parlement du Kurdistan irakien (où seule une poignée d'hommes et leurs clans ont la haute main sur tout), Rewaz Faïq, âgée de 43 ans, une Kurde connue pour son franc-parler dirige les affaires du Parlement de la région. Elle n'est pas la seule. Elle a une homologue dans la région, Fawzia Zaïnal, élue présidente du Parlement de Bahreïn, fin 2018.

Mme Faïq est au Kurdistan ce que «Benazir Bhutto» a été au Pakistan. Mme Bhutto a été en 1988 la première femme à diriger un pays musulman et Mme Faïq, «a changé la vision de la politique kurde» et «donné de l'espoir à toutes les femmes du Kurdistan avec son charisme». La preuve ? Fin mars, un député d'opposition lui a lancé sa chaussure au visage, alors qu'elle présidait une séance au Parlement. Cela a été diffusé en direct à la télévision mais elle n'a pas perdu son calme une seconde. Après cela, Mme Faïq a étonné dans un pays où régulièrement élus, militants ou internautes sont inquiétés pour avoir critiqué des politiciens en affirmant publiquement : «Si vous me visiez moi, je vous pardonne, en revanche, si vous visiez le Parlement, je ne peux pas excuser cela». Ça, c'est de la vraie, de la bonne et de la belle «fraise».

Heureusement pour nous, l'armée a sauvé l'honneur, car on a, depuis le 4 juillet, une autre femme général (e) dans les Forces aériennes, svp ! Dans le nouveau gouvernement, on compte à peine 4 femmes. Une en moins par rapport au précédent.