Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Comment éviter le satisfecit ?

par Abdelkrim Zerzouri

L'abstention aux législatives du 12 juin dernier, qui aura in fine travaillé en faveur du FLN et d'autres partis traditionnels, ainsi que les candidats indépendants, est-elle un paradoxe politique ou une suite logique de l'issue d'un vote qui ne pouvait que profiter pleinement aux participationnistes ? On n'a aucune raison de faire appel au sujet des résultats du vote si on a décidé de le boycotter par conviction politique ou de s'abstenir d'y participer en signe de neutralité et de renoncement à l'exercice d'un droit et devoir par dépit et lassitude enracinés dans les esprits en raison des fraudes massives qui ont marqué, par le passé, l'histoire des rendez-vous électoraux. C'est une liberté fondamentale en démocratie de refuser de participer à une élection, mais l'Etat a ses raisons de ne pas paralyser ses institutions devant ces considérations.

Le président de la République l'a clairement annoncé lors d'un point de presse improvisé après avoir accompli son devoir, le 12 juin, soulignant qu'il respecte le choix des boycotteurs mais il composerait avec ce que donnerait l'urne quel que soit le taux de participation. Les résultats n'ayant pas été contestés, selon les premières réactions des participants qui ont raflé le plus grand nombre de sièges, ayant en cela exprimé leur entière satisfaction après la proclamation des résultats provisoires, ne resterait alors que l'installation des nouveaux députés à l'Assemblée populaire nationale après confirmation des résultats par le Conseil constitutionnel. Et, aller vers la constitution d'un gouvernement de coalition, selon toute vraisemblance, pour éviter de parler d'un gouvernement d'entente nationale en l'absence de partis de l'opposition en son sein.

Au-delà, donc, de l'Assemblée qui aura du pain sur la planche en matière de législation, c'est le gouvernement et les grands chantiers qui l'attendent qui sera le point de mire de tout le monde. Et ni le président de la République, qui aura certainement les coudées franches pour appliquer son programme, ni le Premier ministre et son équipe, qui ne trouveraient pas grande résistance au sein d'une Assemblée dont les députés, eux-mêmes, auront participé à les faire entrer dans le gouvernement, ne pourraient avoir d'excuses pour ne pas réussir dans leur mission de remettre sur rails le pays et le mener vers des rivages sûrs et paisibles. Les responsables n'auront qu'à faire valoir leurs compétences à l'abri de toute forme de résistance ou d'opposition au sein d'une APN, disciplinée, normalement toute acquise à leur mission.

Cette situation, qui semble plaire à certains, en raison du concret qu'on pourrait accomplir dans une atmosphère de concertation tranquille, nécessaire pour faire face aux nombreux défis sur la route, n'est pas sans risque de tomber dans les satisfécits et passer à côté d'une évaluation de bilans non complaisante, seule à même de permettre de se corriger et se perfectionner, selon d'autres avis. Une APN docile, dans le cas de la formation d'un gouvernement de coalition, serait-elle une lame à double tranchant ?