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L'humanisme devenu plus terre à terre

par Abdou BENABBOU

Les temps ont sérieusement changé et les cœurs de toutes les sociétés humaines, à de rares exceptions, ont vu le rythme de leurs battements changer. D'importantes inversions des comportements se sont produites pour que les compréhensions et les gestes soient modifiés à mesure que les besoins et les attentes s'individualisent au gré des démographies propres à chaque pays. Offrir et donner sont aujourd'hui des verbes rares et ont cédé la place à une conjugaison tantôt très laborieuse, parfois désespérée où les locutions «prendre» et «arracher» ont fini par prendre les devants pour qu'elles soient les seuls mots de la fin.

Qui aurait pensé quelques décennies antérieures à peine qu'un extincteur pouvait devenir incendiaire et que les pompiers avaient eux aussi des états d'âme soumis comme n'importe qui au gré des humeurs et des contraintes du temps ? La difficulté d'exister a fini par dépecer les dons de soi et le volontarisme a perdu son ancestrale noblesse parce qu'il faut bien que l'homme mange et se nourrisse pour qu'il puisse préserver un brin de disponibilité à donner.

Que des sapeurs-pompiers sortent dans la rue pour réclamer augmentations de salaires, primes et indemnités est le signe d'une transformation radicale d'une philosophie de vie. Il n'est pas anodin que ce soient les pompiers qui illustrent la profonde mue sociale et démontrent que bien des évolutions profondes se sont produites. A ce que l'on sache, ce magistral service de secours, à nul pareil, se caractérisait avant tout par le volontarisme de ses acteurs.

Signe d'un temps nouveau, il est révélateur que la majorité des sociétés soient apostrophées sans cesse pour réclamer des appointements plus conséquents par ceux qui constituaient hier encore l'essence même de l'acte humanitaire désintéressé. Education, santé et aujourd'hui sapeurs-pompiers concourent maintenant à accorder un autre sens à la solidarité entre les hommes. L'humanisme est devenu plus terre à terre sans doute parce que les vocations ont disparu par la force et la contrainte des nécessités devenues plurielles pour s'accrocher à la vie.

Le pompier n'a pas adhéré à la sirène par passion mais parce que le corps des sapeurs lui a ouvert une brèche pour nourrir sa famille et sauver sa propre vie. Il en est de même, à quelques exceptions près, pour l'enseignant et l'infirmier.