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Entre vouloir et pouvoir

par Abdelkrim Zerzouri

Est-ce qu'on ne demande pas trop à la société civile en plaçant la barre plus haute que sa taille réelle (actuelle) ? Au sortir d'une époque où la société civile n'existait que pour glorifier le nom de « son excellence le Président », servir de « comités de soutien », de décor pour nourrir les applaudissements et remplir les salles de meetings, pas gratuitement, bien évidemment, il serait superflu de s'attendre à une mue rapide dans le sens de sa vocation réelle d'organisation d'animateur de la vie publique, de défenseur des intérêts et des valeurs sociales, de contre pouvoir politique.

Pourtant, on met toute la pression dans ce sens, pour lui faire retrouver maintenant et tout de suite son rôle et ses repères essentiels. On cherche à impliquer la société civile partout, dans des domaines très complexes, qui nécessitent des formations et des prédispositions individuelles, comme la lutte contre la corruption, la lutte contre l'impact de la migration clandestine par voie maritime sur la société et l'Etat et autre lutte contre la toxicomanie, sans mesurer le risque patent de l'échec, très démobilisant pour continuer le chemin long de son intégration dans un cycle naturellement dédié au service de l'intérêt national. C'est de bonne résolution d'avoir constitutionnalisé les missions de la société civile, visant à en faire un partenaire essentiel et permanent dans le développement national et local à travers une participation active à la gouvernance, mais pour arriver à ce stade de la maturité, que la société civile soit l'allié et le partenaire des pouvoirs publics dans la prise en charge et dans l'aide aux citoyens, participe activement à la gouvernance, on devrait impérativement passer par une profonde transformation dans le paysage. Force est de reconnaître que le ventre n'est pas stérile, quelques associations peuvent vraiment se targuer d'accomplir leur mission malgré toute l'hostilité qui les entourait naguère, en gardant une certaine crédibilité et respectabilité qui pourraient les propulser vers plus de succès dans leurs tâches, mais le moteur de la société civile restera faible tant qu'il pâtira de l'existence de grains de sable.

Une purge dans les rangs du mouvement associatif serait indispensable pour garantir le démarrage, et pas encore le décollage recherché. Sinon, pourrait-on jamais espérer bâtir une solide société civile sur des mouvements éphémères, sans ancrage dans la société, pour ne pas dire rejetés par cette dernière ? On va bien vers le renouvellement de la classe politique, qui demanderait un certain temps à se mettre en place, comme on encourage l'émergence d'un sang nouveau dans cette classe du mouvement associatif, qui exigerait également un certain temps pour atteindre toutes les parties de ce corps encore frêle, et sur lequel on compte appuyer l'Algérie.