Les fortes précipitations, accompagnées
de rafales de vent, qui se sont manifestées en début de weekend, ont réveillé
l'exaspération couvant chez les occupants du bidonville niché dans la partie
basse des localités de Claire-Fontaine et de
Paradis-plage, tel un chicot encrassé de tarte dans la bouche d'un édenté.
L'amertume et la répulsion étaient perceptibles dans le ton d'un groupe de
responsables de famille, ayant, faute de mieux, élu domicile dans ce sordide
bidonville, qui ont pris attache avec Le Quotidien d'Oran au lendemain des
intempéries. « Mine de rien cela fait près de deux décennies que nous glandons
à attendre un hypothétique relogement comme nous l'ont promis à maintes
reprises les autorités locales. Nous avons mis au clou toutes nos économies
pour acquérir une masure dans ce répugnant regroupement de constructions
illicites. Nous n'avions pas où aller, c'était à prendre où
à laisser ou encore aller chercher ailleurs où loger temporairement chez sa
famille. C'est le principe du pile je gagne et face tu perds » ont fait
remarquer avec une humeur bilieuse nos interlocuteurs avant d'ajouter « on nous
a taxés de tous les qualificatifs, alors que nous demandons légitiment un toit
pour nous abriter ». Notons que la crise sanitaire a décuplé les affres de
l'indigence chez les indus occupants de ce bidonville, où certaines masures en
contrebas sont dangereusement exposées à la furie des vagues et où des familles
de quatre à six enfants sont entassées dans une effroyable exiguïté de parpaing
et de tôle ondulée. Les minuscules allées serpentant entre les masures sont si
étroites qu'on peut y faire passer un cercueil mais pas une ambulance. Pour ces
familles le slogan « Restez chez vous !» est d'une perturbante ironie. « À
notre humble avis, être confinés dans ce répugnant regroupement de
constructions rudimentaires nous rend encore beaucoup plus vulnérables au
virus. La promiscuité démultiplie les risques de contagion. Hiver comme été,
nous devons faire face aux humeurs de la nature, dans des pièces qui
ressemblent plus à des geôles, en l'absence de toutes commodités. Sans eau, ni
gaz, ni réseaux d'assainissement, avec des murs et des plafonds fissurés qui
laissent l'eau s'infiltrer, nos enfants souffrent le martyre et sont, pour la
plupart, atteints de maladies respiratoires. La situation s'aggrave davantage
durant les nuits glaciales d'hiver avec les rafales de vent, qui arrachent les
tôles faisant office de plafond et nous oblige ainsi à nous réfugier ailleurs
comme cela a été le cas dans la nuit du vendredi au samedi avec intempéries ».
Toujours est-il que claustrées dans l'exigu extrême par le confinement, qui
démultiplie les déboires et les difficultés, ces familles tentent de survivre
dans des conditions de vie éprouvantes, effroyables et avilissantes. Un
quadragénaire, qui tente de survivre avec son épouse et ses trois enfants dans
une baraque a évoqué plus l'inquiétude que la plainte. Ayant été mis en congé
par son employeur, un restaurateur de la municipalité d'Aïn
El Turck, il se démène comme un diable pour tenter de
nourrir sa famille et aider moralement ses enfants à poursuivre leurs études. «
J'habite dans une masure exigüe avec ma petite famille », raconte-t-il, « à
cause des punaises, j'ai tout jeté, nous dormons désormais par terre. Il y a
aussi des cafards, des rats, des moustiques et de l'humidité. Il y a une seule
fenêtre, d'où peu d'air entre ». Ce n'est pas tant le coronavirus que l'asthme
de son fils de six ans qui préoccupe ce père de famille. En cette période de
confinement, ses poumons sont exposés en permanence à l'air malsain des lieux.
« Le médecin m'a dit qu'il lui faudrait beaucoup d'aération. En principe je
devrais, comme tous les autres occupants de ce lieu infect être prioritaire
pour un relogement, mais j'attends, depuis je ne sais plus quand et je ne sais
pas jusqu'à quand », se désespère ce quadragénaire.
Il y a lieu de signaler que
dans la nuit du vendredi à samedi dernier des constructions illicites dans ce
bidonville, sous la menace de la montée de la mer, ont été inondées par les
averses. Les forces de la nature ont ainsi mis à nu la politique l'autruche,
qui préfère enfouir sa tête dans le sable, sans se soucier des sordides
conséquences du laisser-faire.