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Abjurations

par Abdelkrim Zerzouri

Qualifié de plus gros scandale financier de l'histoire de l'Algérie, l'affaire Khalifa Bank garde jalousement ses zones d'ombres à l'abri de la curiosité d'une opinion qui reste sur sa faim autour de certaines questions bien après les péripéties d'un long procès qui semble s'éterniser. Ce troisième retour du dossier devant les juges du tribunal criminel près la Cour de Blida sera-t-il celui du grand déballage ? Tant de circonstances plaident ouvertement, cette fois-ci, en faveur de l'éclatement de la vérité sur ce scandale financier, ses principaux ricochets et les préjudices réels causés aux épargnants et à l'Etat. Le procès tenu en 2015, où il a été condamné à 18 ans de prison ferme, assortie d'une amende d'un million de DA et de la confiscation de l'ensemble de ses biens, pour «constitution d'une association de malfaiteurs», «vol en réunion et escroquerie» et «banqueroute frauduleuse, abus de confiance et falsification de documents bancaires», ne lui a pas offert une large manœuvre pour défendre son dossier, vu la domination du même système qui a assisté à son heure de gloire et sa déchéance. Déjà, un premier frémissement de la vérité est enregistré avec la rétraction de certains qui sont revenus sur leurs déclarations lors du procès de 2015. Plusieurs accusés auditionnés par le juge de siège lors du procès qui a débuté dimanche 8 novembre 2020, au tribunal criminel près la Cour de Blida, sont revenus sur leurs déclarations qui condamnent le principal accusé dans l'affaire Khalifa, en l'occurrence l'ancien président directeur général du Groupe Khalifa, Abdelmoumene Khelifa, au sujet du retrait de fonds sans titres réguliers. L'un des accusés en question avait avoué qu'il a subi des pressions de la part de «parties», sans les citer, qui voulaient faire tomber le premier responsable de ce groupe. Qui sont ces parties qui ont exercé des pressions pour obtenir de faux témoignages ? Les enquêteurs de l'ex-DRS qui avaient en charge la gestion de ce dossier ? C'est rare qu'on vienne à reconnaître explicitement le faux témoignage, un délit qui porte atteinte à la fois à la justice et à la personne lésée, lourdement condamné par la loi (5 à 10 ans de réclusion criminelle), pourquoi alors s'arrêter en si bon chemin et éviter de dénoncer par noms et institutions ceux qui sont derrière la machination ? Les concernés devraient révéler toute la vérité et ne pas en rester aux faits amputés de l'essentiel. Le principal accusé reste, lui aussi, collé aux stéréotypes en parlant de ces parties ou de l'ancien système, « complices du pillage des caisses de sa banque, qui ont exercé des pressions sur les accusés et les témoins pour l'enfoncer, et qui l'ont aidé à quitter le pays », sans éclairer la lanterne de la justice sur ces personnages de l'ancien système qui auraient tissé les mensonges présomptifs à l'origine de la chute de son empire. S'il veut vraiment sauver sa tête, plaider la réduction de sa peine, au moins, le principal accusé ne trouverait pas meilleur moment pour faire éclater toute la vérité sur l'affaire « Khalifa Bank », même si elle éclabousserait pas mal de monde.