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Gouvernement: La relance à l'épreuve du temps

par Ghania Oukazi

En attendant la réalisation de sa « vision Algérie 2035 » qu'il évoque dans son plan d'action, le gouvernement a été instruit par le président de la République, selon le Premier ministre, à exécuter le « plan de relance pour une économie nouvelle » entre « la fin 2020 et avant 2024 ».

Dans son discours de clôture de la « conférence nationale » sur le plan en question, le Premier ministre a expliqué mercredi au Centre International des conférences Abdelatif Rahal, qu'il doit « mettre en œuvre des mesures urgentes aux effets immédiats, exécuter rapidement et sans délai avant la fin de l'année en cours, des décisions susceptibles de mettre fin aux situations de blocage », d'autres « sur le court terme, avant la fin 2021, qui visent à préparer l'environnement économique et social à un changement structurel (...) » et enfin « mettre en œuvre les réformes et les stratégies de développement sur le moyen terme, avant 2024 (...) ». Djerad a noté « la nécessité de mettre en place des mécanismes efficaces pour prendre en charge les éventuels effets collatéraux de toutes les mesures notamment sur le pouvoir d'achat des citoyens ».

Imaginé à partir des « orientations et décisions à caractère économique » du président de la République et le « volet économique du plan d'action du gouvernement » adopté par le Parlement en février dernier, « le plan de relance » dont parle Djerad n'est donc pas écrit. Notant qu'avant cette conférence, les walis ont été réunis le 12 août dernier pour « évaluer la mise en œuvre des orientations du président de la République » disait leur ordre du jour. « Les urgences » de la mise en œuvre « du plan de relance » sont elles aussi tirées des différents Conseils des ministres tenus jusque-là et rassemblées dans un document distribué durant la conférence. « La nécessité d'un plan d'urgence pour le développement de l'agriculture notamment saharienne, de l'industrie agroalimentaire et de la pêche outre la relance du tourisme, toutes sources de richesses pour peu que l'appui nécessaire leur soit accordé », a-t-il entre autres ordonné par exemple dans le Conseil des ministres du 5 janvier. Comme déjà noté, le tourisme a été complètement occulté dans la conférence nationale pour des raisons jusque-là inconnues.

Des grands principes « d'urgence »

« L'impératif d'une réforme profonde de notre système fiscal avec tout ce qui en découle en termes de réglementation des incitations fiscales au profit des entreprises, notamment des startups et PME (...) » figure parmi ces « urgences ». Le 18 du même mois, Tebboune avait recommandé « une (autre) urgence » celle d'« apporter des réponses concrètes aux dossiers sensibles particulièrement l'importation de véhicules en kits SKD / CKD (...) ». Celles-là et toutes les autres mesures contenues dans le document ont été transformées en recommandations par les 11 ateliers de la conférence nationale. De nombreux participants y compris les hauts responsables ont déploré toutefois l'absence d'instruments efficaces pour évaluer les moyens humains, matériels et financiers du pays. Le CNES pense même « faire le terrain » pour collecter des données plus ou moins fiables auprès des ménages et des entreprises. « Mais il risque de le faire à l'insu des autorités publiques qui laissent seul l'ONS détenir le monopole de l'assemblage des données statistiques que l'ensemble des secteurs lui fournissent, » nous a expliqué un statisticien. Dans le volet économique de son plan d'action, le gouvernement Djerad en parle et estime que « l'efficacité de l'action économique de l'Etat est tributaire de ses capacités de prévision qui, elles-mêmes doivent pouvoir compter sur un outil statistique puissant et fiable qui bénéficiera d'un renforcement substantiel en moyens humains et matériels ». Il assure « dans ce cadre (que) la réalisation prochaine du recensement général des populations et de l'habitat constituera un jalon important apportant une meilleure visibilité, en appui des travaux sur les perspectives de l'évolution de l'économie algérienne et la réalisation de la « vision Algérie 2035 ». C'est, écrit-il « une étude stratégique destinée à servir de cadre référentiel fondamental pour les différents secteurs ». Au-delà de ces grands principes contenus dans les deux documents, et jusqu'à la clôture de la conférence nationale, il n'a mis au point aucun « emploi du temps », ou « feuille de route » pour déterminer clairement par quoi doit-il commencer, comment va-t-il s'y prendre et combien de temps et d'argent lui faudra-t-il pour mener ses actions urgentes au niveau de chaque secteur. D'autant que durant ses 8 premiers mois, il reconnaît lui-même que les priorités socioéconomiques du pays profond ont été mal listées. On relève ainsi dans le document d'évaluation qu'il a distribué lors de la réunion gouvernement - walis que « la priorisation établie dans le choix des projets ne répond pas dans certains cas aux attentes des citoyens des zones enclavées, ni aux besoins les plus urgents(...) ; la majorité des opérations urgentes identifiées nécessitent un financement lourd et des délais de réalisation très longs ; la consistance des projets identifiés, souvent volumineuse et conséquente, ne permet pas de prendre en charge rapidement les contraintes enregistrées ». Ne lui reste que 4 mois d'ici la fin de l'année pour corriger ces écarts.

Des ministres qui « se serrent » les coudes

L'on se demande ce qu'il pourra faire en si peu de temps qu'il n'a pas fait durant ses 8 premiers mois. Qui plus est, un temps lourdement impacté par la crise sanitaire qui continue de faire peur au monde entier. Ce qui ne semble pas être le cas de la majorité des membres du gouvernement qui ne se sont guerre souciés du respect des mesures barrières et de prévention contre le Covid-19. Mardi et mercredi derniers, ils étaient dans la salle de conférence du CIC avec des masques, qui le portaient sous le nez, qui sur le menton, d'autres sur le cou. Beaucoup de ministres, à défaut de se serrer la main, se sont touchés... les coudes, cette mauvaise habitude qui s'est installée depuis l'apparition de la pandémie. Les ministres sont rentrés dans une salle où les chaises étaient placées de sorte à marquer la distanciation physique entre les participants, mais ils ont tout mis en désordre. Ils se parlaient nez à nez et ne semblaient pas craindre ce virus vicieux. Au fait, comme ça été le cas avant la tenue de la réunion gouvernement - walis, lundi dernier il a été demandé à tous ceux qui étaient concernés par la conférence nationale de venir au CIC pour subir le test PCR (dépistage pour le Covid-19). L'on a su mercredi par des responsables d'institutions que 35 tests ont été positifs. Les personnes contaminées sont issues aussi bien des invités que des journalistes. Des responsables à la présidence de la République ont veillé au grain pour ne laisser mardi rentrer que ceux dont les tests ont été négatifs parce que le président de la République devait ouvrir la conférence. L'on note au passage que les journalistes accrédités n'ont pas eu le droit de stationner leurs véhicules au niveau de l'immense CIC dont les parkings sont multiples, spacieux et... vides. Ils ont été obligés de stationner au niveau du parking du palais des Nations et remonter à pied au CIC. Les diabétiques et les hypertendus d'entre eux ont eu du mal à faire le trajet - qui certes n'est pas long - mais sous un soleil de plomb, une chaleur torride et un taux d'humidité étouffant. A leur arrivée à la conférence, ils étaient noyés de sueur. Il y en a eu qui se sont vu retirer leur badge à la fin du 1er jour par des agents de sécurité qui n'ont comme tâche que de faire monter ou descendre la barrière d'entrée. La fouille des affaires et au corps des journalistes était minutieuse. Certains techniciens de télévisions devaient se débarrasser d'une partie de leur matériel pour pouvoir accéder à la salle. L'on ne savait pas de qui venaient ces directives absurdes.