Le Conseil
international des musées (ICOM) définit un musée comme «une institution
permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement,
ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le
patrimoine matériel et immatériel de l'Humanité et de son environnement à des
fins d'études, d'éducation et de délectation. » Le musée de l'Homme (blanc) où
furent conservés les crânes des 36 combattants algériens est un musée au
service de la société française dont le gouvernement de 1830 avait envahi
l'Algérie pour son propre développement. Dans son entreprise de « pacification
», l'armée coloniale rencontre quelque résistance, par-ci et par-là comme en
Kabylie ou encore dans l'oasis des Zaatcha qui oppose
une résistance farouche gagnant sa première bataille qui s'était soldée par la
mort de centaines de soldats français. L'armée coloniale, sous les ordres du
général Herbillon, se renforce et massacre tous les
habitants - un millier -, à l'exception d'un non-voyant et
deux ou trois femmes, selon l'aveu même du général Herbillon.
Une fois morts, les corps des résistants ont été séparés de leur tête que les
médecins, qui accompagnaient l'armée, collectaient ainsi que d'autres organes «
à des fins d'études ». C'est en 1880 que les crânes du chef de l'insurrection
des Zaatcha, le cheikh Bouziane, celui de son fils
ainsi que celui d'un autre chef atterrissent au musée de l'Homme pour être
exposés avec les crânes du légendaire Cherif Boubaghla
et d'autres valeureux combattants, en tant que patrimoine matériel et
immatériel de l'Humanité. Les 36 crânes ont-ils servi la société ? Ont-ils été
d'une quelconque utilité pour l'éducation ? Il faut croire
qu'ils le sont pour éduquer l'Homme sur l'horreur de la colonisation qui s'est,
non seulement, délectée de massacrer les « indigènes » dans l'oasis, en mai
1845, et dans divers endroits en Algérie et ailleurs, mais se délecte aussi et
invite le public à se délecter du patrimoine matériel et immatériel de la
mission civilisatrice qui s'est soldée par la disparition de civilisations,
l'extermination de populations entières, la déportation d'autres et la stigmatisation
de l'Afrique, l'Amérique, l'Asie et l'Océanie pour toujours. A quoi sert
un musée s'il sert de tableau de chasse de la colonisation, cette « négation
systématique de l'autre, [cette] décision forcenée de refuser à l'autre tout
attribut d'humanité » comme le soulignait à juste titre Frantz Fanon?