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Douar Boudjemaa: Les boucheries illicites prises d'assaut

par S. M.

Dès l'abord du Douar Boudjemaa, une agglomération qui ne cesse de grandir depuis les années 90, le visiteur est surpris par l'ambiance de marché et la grande affluence. Viandes rouges et blanches, légumes, fruits?tout se vend ici et tout s'achète. Dans ce marché illicite, ni confinement ni distanciation sociale encore moins les règles d'hygiène ne sont respectés par les commerçants et leurs clients.

Douar Boudjemaa est devenu l'eldorado de l'abattage clandestin. Des consommateurs, attirés par les prix défiant toute concurrence légale, défient tous les jours les mesures de distanciation sociale et le bon sens pour économiser quelques centaines de dinars. Il faut dire que les prix inaccessibles des viandes rouges et des poissons frais semblent contraindre une bonne partie des consommateurs à se rabattre sur l'abattage clandestins qui propose des prix «bon marché» pour une clientèle de moins en moins exigeante quant aux conditions d'abattage et d'hygiène. Depuis plusieurs jours, les étals des boucheries illicites à Douar Boudjemaa (Chahid Mahmoud), à Hassi Bounif et à Hassi Amer sont pris d'assaut à longueur de journée par des consommateurs qui viennent faire les provisions du Ramadhan. Les prix «bon marché» des viandes rouges arrivent toujours à séduire les clients les plus sceptiques. Le plus important pour cette clientèle c'est le prix. La marge entre les prix de l'abattage clandestins et ceux des boucheries légales atteint parfois 460 dinars pour un kilo d'agneau. Entre débourser 1.300 dinars voire 1.560 dinars dans les boucheries ou 1.100 dinars pour un kilo d'agneau à Douar Boudjemaa, le choix de la plupart des consommateurs est fixé d'avance. Le steak ou bifteck est cédé ici à seulement 1.500 dinars, alors que le prix de ce même produit varie entre 1.800 et 2.000 dinars dans les boucheries de la ville. Pour le prix d'un kilo du foie dans une boucherie légale, le client peut avoir tous les tripes du mouton avec son foie à seulement 3.000 dinars. Le bouzelouf (tête de mouton) est bradé à 600 dinars et parfois à seulement 500 dinars. D'autres bouchers clandestins se sont spécialisés dans les viandes blanches et en particulier la dinde qui est proposé à 350 dinars le kilo. Le phénomène de l'abattage clandestin est toléré dans de nombreuses localités et essentiellement à Hassi Bounif, à Hassi Amer et bien sûr à Douar Boudjemaa. Ces bouchers clandestins disposent de locaux où ils exercent leur activité illicite en toute quiétude. Que ce soit à la sortie de la localité de Hassi Bounif ou à la rentrée de Douar Boudjemaa ou de Hassi Amer, les produits de l'abattage clandestin ne sont plus exposés sur des tables ou accrochés à des arbres mais dans des locaux bien aménagés. Les carcasses de moutons sont accrochées aux portes de ces locaux équipés avec des réfrigérateurs et autres équipements de boucherie.

L'abattage clandestin n'est pas le seul apanage des localités périphériques, mais de nombreux «bouchers» exercent clandestinement dans les grands marchés de quartiers à Oran que ce soit à El Hamri, à Es-Sedikia ou à Eckmühl. Dans le marché populaire d'El Hamri, le poulet est cédé à seulement 200 dinars le kilo parfois moins contre 260 dinars dans les boucheries légales. Il ne faut pas plus pour convaincre les consommateurs. Les étals des boucheries illicites sont pris d'assaut à longueur de journée dans ce marché populaire, a-t-on constaté. Certains clients achètent des poulets à tour de bras pour les conserver dans leurs frigos. «Les prix du poulet sont certes moins élevés que ceux pratiqués dans les boucheries légales, mais la frénésie d'achat chez certains consommateurs est singulière. J'ai vu une femme acheter 15 poulets en une seule commande», témoigne ce père de famille rencontré à la sortie de ce marché populaire. Sur les étals de ces bouchers illicites qui proposent des prix très compétitifs, les commandes pleuvent : «je veux cinq poulets», «donne-moi trois poulets», «quatre poulets s'il te plaît». La demande est tellement importante que certains «bouchers» recourent à des brouettes de chantier pour le transport de grandes quantités de poulets de qualité douteuse qui sont stockés à l'intérieur de chambres froides non contrôlées dans l'ancien marché couvert.