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LES VIES LIEES

par Abdou BENABBOU

L'Union africaine par l'initiative de son président en exercice vient de proposer la mise en place d'un fonds spécial de 12,5 millions de dollars pour lutter contre le coronavirus. De par sa consonance, la proposition dépasse le stade de la recommandation et doit être comprise comme une véritable réclamation sinon comme la paume d'une main tendue pour une hypothétique aumône. Un pourboire que laisserait un fanfaron princier repu dans un palace dont on ne peut compter les étoiles.

Le drame est qu'il n'est pas du tout certain que la majorité des Etats africains répondent à ce véritable cri au secours tant il est malheureusement vrai que chacun est embourbé dans des fourbis inextricables ou ligoté par la gestion de contingences qui rendent nulle la valeur humaine. On ne peut, il est vrai, demander l'aumône à quelqu'un qui marche pieds nus et qui aurait peut-être tendance à penser sous le poids de la misère que le nouveau virus n'est qu'un lointain fantôme de pacotille. Dans leur lutte permanente pour la survie contre les multiples préoccupations et pour les populations africaines, un virus de plus ou de moins ne ferait que se diluer dans la masse d'une non vie déjà affirmée. Elles savent que malgré quelques éparses actions solidaires internationales, les grandes institutions, de par leurs structures et compositions, n'activent que pour des dividendes déjà connus. La comptabilité de leurs actions et les aides apportées ne répondent d'abord qu'à la garantie de la sauvegarde de leurs pourvoyeurs et de leurs sujets. Il est fort à parier que devant cette terrifiante pandémie, ce seront ceux qui logent dans les espaces clôturés de la famine et de la misère qui seront les grands dindons de la fatidique farce tant et si bien que ceux qui prétendaient monopoliser les écus et les carapaces se replient eux-mêmes sur leurs avantages. Devant l'immense bourrasque qui s'amplifie, il devient malaisé de supposer qu'une solidarité internationale tombe du ciel et que chacun ne puisse pas s'empêcher de préserver sa vie avant tout, quitte à sacrifier celle des autres. S'il y a cependant une grande leçon à tirer aujourd'hui est que toutes les vies, les unes avec les autres sont liées.