Jeudi 26 mars, 3ème jour de
confinement total pour la wilaya de Blida. La veille, 38 nouveaux cas de
contamination par le coronavirus ont été confirmés et 2 décès comptabilisés. La
journée commençait mal avec cette nouvelle ressassée depuis mercredi, en fin
d'après-midi. Entré dans une épicerie, les étals commencent à se vider, donnant
à l'endroit déjà peu éclairé un air lugubre. « On me ramène de moins en moins
de marchandises et je ne vais peut-être pas tarder à ne plus ouvrir», nous
lance le commerçant. Un petit bruit se fait entendre dans notre estomac qui
comprenait soudain que les choses sérieuses allaient venir dans quelques jours,
quand nous ne trouverons plus rien à acheter. Un peu plus loin, l'odeur du pain
chaud qui sortait de la boulangerie nous fait reprendre espoir, un espoir qui
s'envola après que nous ayons constaté après un tour dans quelques quartiers
qu'à peine la moitié des boulangeries, sont encore ouvertes.
Quand la pluie se met à
tomber et que le ciel s'est voilé entièrement, les gens ont commencé à rentrer
chez eux ou à discuter entre amis devant les portes closes de nombreux
magasins. Soudain, je me suis retrouvé à me demander quel jour nous étions, les
jours se ressemblent et je me suis trompé à deux ou trois reprises, jusqu'à ce
que je regarde mon téléphone portable et que je sache enfin que nous étions
jeudi. La semoule et la farine sont toujours introuvables et les prix des
fruits et légumes ont repris une courbe ascendante. Les stations-services sont
toutes fermées et les voitures roulent de moins en moins. Une autre information
vient, en cours de journée, serrer les cœurs des habitants : la wilaya de Blida
est isolée de tout le territoire national, personne ne peut en sortir ou y
entrer, sauf cas de force majeure, mais même les communes entre elles sont
séparées par d'importantes forces de sécurité. Si vous êtes à Blida, vous ne
pouvez pas vous rendre à Béni Méred et vice-versa,
les habitants de Meftah ne peuvent aller à L'Arba ni ces derniers rejoindre Meftah,
et ainsi de suite pour toutes les communes. Heureusement que les marchands de
fruits et légumes ont été autorisés à se rendre au marché de gros de Bougara pour s'approvisionner. Mais jeudi après-midi, des
rumeurs ont fait état de nombreux cas d'atteinte par le Covid19 ont commencé à
circuler et des commerçants nous ont affirmé qu'ils ne s'y rendraient plus,
quitte à fermer boutique. Jeudi, peu après dix-sept heures, nous avons appris
que le nombre de cas confirmés d'atteintes par le coronavirus a augmenté de 64,
faisant passer le nombre total à 367, dont 176 pour la seule wilaya de Blida.
Le froid ambiant se fait plus glacial et les gens ont senti comme une chape de
plomb leur étreindre le cœur. Au milieu de cette ambiance sinistre, notre ami
Noureddine Renaï nous a rappelé, sur sa page
Facebook, un évènement que tout le monde a oublié, celui de l'équinoxe de
printemps qui était l'occasion de sortie dans les champs et les forêts, surtout
du temps de nos mères et grand-mères qui préparaient du pain, des gâteaux et
diverses victuailles qu'elles emmenaient vers des endroits paradisiaques à L'Arba, comme Sidi-Ali ou Sidi Hamed. Les femmes étaient
seules avec les enfants et se partageaient tout ce qu'elles avaient ramené,
dans une ambiance de fête et de bonheur. Cette fois-ci, nous ne nous sommes
même pas rendu compte que le printemps était là, c'est dire dans quel état se
trouvent les habitants de cette wilaya aux habitudes sociales ancestrales
faites de solidarité et d'amour du prochain. Vendredi matin, le temps était
beaucoup plus à la tristesse qu'à autre chose et les gens n'ont commencé à
sortir de chez que vers 10h du matin, surtout que la veille, chose
inhabituelle, les policiers sont passés en voiture et ont appelé les épiciers
et buralistes à fermer boutique, ne laissant que la pharmacie ouverte, et il
n'était que 19h ! Cela ajoute au désarroi des citoyens qui se demandent ce que
ce dernier tour de vis signifiait, d'autant plus que la rumeur, toujours elle,
fait état de cas de contamination dans des régions qui étaient épargnées
jusque-là. Si vendredi dernier c'était la mosquée seulement qui était fermée,
hier c'est aussi bien les mosquées que le marché qui attirait un grand monde
qui le sont, en plus de tous les commerces à l'exception de quelques vendeurs
ambulants et épiceries qui commencent à se vider de leurs produits. Il y a
aussi la mort du chauffeur de l'ambulance, un jeune homme de Soumâa travaillant à l'hôpital de Boufarik et qui a
participé au transfert de nombreux malades atteints de coronavirus qui a
bouleversé les esprits et qui était l'objet de toutes les discussions. Çà et
là, par petits groupes, les gens commentent les nouvelles qui nous arrivent de
par le monde et chacun y va de son analyse. Au siège de la wilaya, des tonnes
de marchandises sont réceptionnées, dons de plusieurs régions pour les familles
démunies de la wilaya mais, jusqu'à maintenant, nous n'avons pas encore vu de
distribution de produits alimentaires à la population, du moins à la frange la
plus pauvre.