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Gouvernement: De nouvelles priorités

par Ghania Oukazi

La propagation du coronavirus, en Algérie, est le premier test grave auquel le secteur de la Santé est confronté. Le gouvernement Djerrad devra en évaluer les conséquences économiques et sociales avant que le pays ne déclare faillite.

Entre les pays du Moyen-Orient qui sont noyés par des pluies torrentielles et le reste du monde que décime, quotidiennement, le coronavirus, le monde semble vivre les signes précurseurs de l'apocalypse. « C'est la fin du monde » est-il affirmé ici et là. Les Musulmans le pensent depuis longtemps en référence au Saint Coran et aux différents hadiths. Les pays occidentaux eux, préfèrent parler de la fin « d'un monde ». Le coronavirus est venu rappeler à tous qu'avec toute son intelligence et son savoir-faire high-tech, l'Homme n'est rien devant la colère de la nature. Elle lui fait vivre depuis des lustres des périodes de panique, de destructions diverses, de catastrophes terribles, de bouleversements profonds. Le tout est frappé du sceau de l'imprévu, du brusque et de l'inattendu. En « bons » musulmans, les Algériens s'en remettent au fatalisme, la solution la plus simple mais surtout celle qui ne les engagent à rien même si des situations exceptionnelles exigent d'eux vigilance et prévoyance. Un tel état d'esprit, ils ont en fait la démonstration, vendredi dernier, où quelques dizaines de citoyens se sont déplacés à la rue Assela Hocine pour commencer leur marche vers le centre de la capitale au nom du « Hirak ». L'on interroge s'ils veulent ainsi défier la raison ou le diable. Refusant de déclarer forfait, bien que leur nombre a nettement diminué, il est clair que les marcheurs du vendredi veulent forcer la main au pouvoir pour lui arracher le plus de concessions possibles. « La stratégie est de continuer à marcher pour arriver à le faire tous les jours de la semaine », affirme certains d'entre eux. Leur inconscience les pousse à jouer au quitte ou double avec un virus qui se « fiche » de la politique. Dans tous les cas, des regroupements de ce genre ou même ceux dans les mosquées ou alors dans les salles des fêtes, augmentent considérablement le risque de contagion.

L'inconscience «au nom de la démocratie»

Que leurs intentions soient véritablement politiques ou juste pour narguer les décideurs et contredire le plan de prévention qu'ils ont mis en place, les conséquences de leur entêtement « au nom de la démocratie » menacent sérieusement la population. D'autant qu'ils savent qu'à l'instar du reste du monde, l'Algérie manque de moyens de prévention de ce mal du siècle et tente, tant bien que mal, d'en colmater les brèches les plus exposées. La Chine vient d'en envoyer des quantités appréciables à l'Italie. Au plan national, ce n'est qu'hier qu'un avion transportant des équipements, à cet effet, a atterri à Alger. Le ministre de la Santé en a fait l'annonce sans pour autant en dévoiler la provenance. Le Professeur Abderrahmane Benbouzid a aussi fait savoir que d'importants dispositifs ont été mis en place, dans plusieurs régions du pays, en vue de recevoir d'éventuels cas. « Ce que nous craignons c'est la propagation dans le pays » a-t-il avoué. La suspension de liaisons aériennes avec le Maroc, l'Espagne et la France a provoqué, hier, le courroux de nombreux voyageurs algériens. Pourtant au rythme duquel circule l'information sur le Net, ils doivent savoir que les autorités algériennes ont déjà prévu de les rapatrier le plus rapidement possible. « A l'inconscience s'ajoutent l'impatience et la colère comme si ça servait à quelque chose, nous travaillons dans des conditions de stress insupportables », avouent des cadres du Transport. Leur ministre a affirmé, hier, que « des vols de rapatriement directs ou par la Tunisie vont être programmés à partir de Casablanca ». Il en sera certainement de même « à partir de la France, de l'Espagne et d'autres pays », affirment des sources du secteur. L'enregistrement, hier de 10 nouveaux cas confirmés ainsi qu'un troisième décès oblige l'Algérie à se mettre en alerte maximum. Après les premières hésitations et les quelques faux pas, le gouvernement Djerrad semble avoir pris, depuis quelques jours, les mesures qu'il faut, celles initiées et mises en œuvre par de nombreux pays occidentaux. Il faut reconnaître qu'il n'a rien à inventer pour contenir le plus possible cette épidémie des temps modernes.

Les prévisions de rapaces

« Le gouvernement doit savoir copier, observer l'évolution à travers le monde et recourir aux moyens de protection nécessaires, le plus rapidement possible », soutiennent des médecins. Prof Benbouzid a d'ailleurs précisé, dans ce sens, que « nous agissons conformément aux mesures de l'OMS, dictées par le scénario dans le monde ». Avec 37 cas confirmés et 3 décès enregistrés à ce jour, les spécialistes s'attendent à ce que « la contagion continuera de sévir encore quelques semaines pour commencer à diminuer dès les premières hausses de température ». En Chine, c'est le cas puisque la contagion n'a plus le même rythme effréné qu'aux premiers jours de l'apparition du virus. D'ici à ce que la pandémie se rétracte, le gouvernement Djerrad devra revoir sa copie des priorités - s'il en a une - et recenser les dégâts sur les entreprises qui n'ont plus de matières premières pour raison de confinement des pays qui les produisent comme la Chine. « Plus il fait vite et plus il saura faire face aux nombreuses pénuries de produits qui vont s'annoncer, dans peu de temps », disent des économistes. L'approvisionnement des officines en médicaments s'impose en tête de liste. L'on susurre, par ailleurs, que « les vendeurs de produits de première nécessité prévoient d'augmenter le prix de l'huile de 3 DA ». Entre un « Hirak » têtu, une économie qui chavire, un mois de Ramadhan aux portes, l'Algérie devra faire face à des rapaces dont la feuille de route n'expirera pas de sitôt, encore moins au début de l'été comme attendu pour le coronavirus.