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Se disputer avec soi-même

par Abdou BENABBOU

En politique, l'ambition personnelle portée à son extrême est toujours dévastatrice. L'ancien président déchu en avait fait son principal support et n'avait été guidé que par le mépris qu'il s'ingéniait à fabriquer à l'adresse du général et du particulier, convaincu que la déconsidération des autres était la première sève de la gouvernance. On sait ce qu'il est advenu de lui et on sait comment il a fini.

Il est certain que les cinq prétendants qui veulent prendre sa place sont animés par un même élan personnel et il est douteux de croire qu'ils cultivent un patriotisme outrancier pour vouloir s'engager dans une épreuve à l'évidence colossale, car ils savent que la tâche à affronter est phénoménale.

On doit donc accorder du crédit à l'importante humeur grise de la population face à une élection présidentielle au travers de laquelle elle voit un aboutissement en queue de poisson. Il est permis de penser qu'il est nécessaire de disposer d'une grosse dose d'opportunisme, sinon d'inconscience, pour oser affronter les mille et une vicissitudes qui perturbent dangereusement la société algérienne, et les cinq candidats ne sont pas des héros.

Mais s'il est vrai que le seul héros serait le peuple, il est aussi difficile de maîtriser le vrai contenu des revendications populaires actuelles si ce n'est que de s'arrêter à la réclamation répétée et constante de l'effacement de tous ceux qui ont alimenté le système. Si le pourquoi de l'exigence est maîtrisé, le comment pour un redressement heureux du pays est trop vague pour se contenter seulement du départ de quelques personnes.

Un système aussi décrié qu'il soit et quels qu'aient été ses principaux moteurs a une dimension et des implications autrement plus larges. On avance, bien sûr, la nécessité d'une transition démocratique sans en définir avec clarté le contenu. Le préambule est d'une légitimité sans faille, mais on se leurre si l'on croit que la démocratie veut dire gratuité de la vie et que la liberté serait une totale dépendance des autres.

Il est prouvé que la culture de la rente a cimenté un système généralisé et plus qu'à réclamer le départ de quelques-uns, il est loisible de se demander s'il ne serait pas plus sage et pas du tout outrancier de recommander le départ d'une ou deux générations. Alors seulement, il n'arrivera plus que l'Algérien se dispute avec lui-même.