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Sotchi et les «quelques éléments» de Bensalah

par El Yazid Dib

Dans un «sommet» où l'on doit être une véritable sommité où l'on se contente de voir et d'écouter. A Sotchi quelque part dans la vaste Russie, le tsar des temps modernes, branchant bien ses oreillettes, donnait toute son ouïe à l'interlocuteur qui lui faisait face. Bensalah. Il écoutait se dire un compte-rendu sur la situation de l'Algérie. Si comme le maître de la moitié de la planète n'avait pas ses propres relais ni ses intimes convictions ni encore ses quelques grands intérêts. L'image prêtait l'apparence d'être tirée d'une classe où un élève balbutiait pour clamer une récitation de poésie politique dont les vers ne correspondaient nullement aux rimes qui les constituaient. Poutine, œil alerte comme un bolchevick réinventé dressait bien l'oreille. L'autre, le nôtre tentait de justifier sa présence ou l'existence même de son pays. Ce pays qui, avouait-il, connaît des changements positifs allant de la concertation, au dialogue national jusqu'à des mesures de dénouement salutaire d'une crise qui n'est, entre autres, que naturelle et conjecturale. Seulement, disait-il et c'est vrai qu'il y a aussi «quelques éléments» qui ne sont pas contents.

Cela va paraitre un peu gênant pour le peuple d'un pays qui a tout le temps lutté seul, souffert tout aussi seul. Notre Bensalah, gentil et inoffensif qu'il est n'avait pas à se contraindre dans une telle position. Il n'avait pas à prendre Poutine pour un peuple, le sien et lui confesser sa profonde foi. Son discours qui prône un compte-rendu inutile d'ailleurs dans de telles assises aurait gagné en valeur protocolaire et en souveraineté s'il s'était limité à un échange sur la coopération bilatérale, le réchauffement climatique, l'équilibre régional et autre bla-bla du genre très prisé et usuel dans ces rencontres.

On le sentait embarrassé, fébrile, proie à l'hésitation. Se sentait-il manquant de légitimité ? Était-il sous une pression internationale l'obligeant à fournir des justifications pour ce qui se passe entre nous et bien qu'entre nous seuls ? Il aurait dû patienter un peu et le 12 décembre est pour demain. Car par jalousie nationaliste, l'on accepte mal l'ingérence provoquée, encore plus l'immixtion forcée. C'est entre nous que le match se passe. Nous sommes nos propres joueurs, nos propres spectateurs, nous évoluons à domicile, nous constituons tous des vainqueurs et pas de vaincus.

Sur les «quelques éléments», rien n'amoindrit la réalité. Ni ne décroît sa densité. Poutine sait compter tout en sachant se faire écouter. Son œil de Moscou sait aussi lui faire le décompte des fins détails de chaque mouvement d'ensemble, de chaque rotation de ces «quelques éléments». Ainsi l'appréciation du nombre dépend de l'unité de compte. Il sait, avec pertinence, que ces «éléments» ne sont pas des Bosniaques ou des Tchétchènes. Ils sont nos diversités, notre multitude. Ils sont le pluriel et la différence de chez nous. Ils n'ont pas brulé le Kremlin ou profané le sarcophage de Lénine. Ils ont certes abîmé un peu l'asphalte de la Grande poste et du boulevard Didouche, pas plus.

Sotchi aura ainsi su que quelque part, à des kilomètre-lumières un peuple est en train de se reconstruire pour la énième fois. La marche de son histoire est continuelle. Sa révolution n'est pas celle d'octobre qu'une complexe perestroïka avait mis à démantèlement. 1er Novembre, 22 février sont leur temps et leur gloire. La floraison ne lui vient pas d'un mauvais printemps arabe, mais dune selmiya/selmiya.

Et puis le chef du KGB n'avait nul besoin de ramener quiconque à un confessionnal. Il est dans chaque partie organique de ce monde qui ne cesse de tourner au gré des puissances.