Pendant que certains vaquent à faire le marché, dès la matinée, où la foule commence à grossir, les vendeurs prennent place en installant leurs étals un peu partout. D'autres choisissent les endroits les plus ombragés pour se mettre au frais. Les journées s'étirent et la chaleur met son grain, alors les jardins publics attirent les gens par grappes entières. Ils se protègent sous les arbres.

Sur les bancs publics, il y a ceux qui s'occupent à feuilleter leur journal, en discutant. Les sujet d'actualité ne manquent pas. La scène politique en effervescence et ses rebondissements, la dernière valorisation des pensions de retraites, ou encore la flambée des prix et l'érosion du pouvoir d'achat. Tout cela est passé en revue, avec lassitude et morosité, et une certaine résignation qu'on observe dans les gestes et paroles. Les heures s'égrènent et les gens continuent de palabrer, des enfants viennent égayer les lieux en jouant sur le gazon, plus au moins bien entretenu.

Par petits groupes, d'autres habitués du jardin s'étalent à même le sol, en traçant un carré et des cases dans la terre, des morceaux de pierres et des bouchons de bouteille d'eau minérale en guise de pièces de jeu c'est le fameux jeu de société, appelé localement «kharbga», une sorte de jeu de dames à l'ancienne, avec ses règles et son jargon propre, que les joueurs s'échangent pour se taquiner les uns les autres. Les parties peuvent durer des heures, sans que les protagonistes ne s'en rendent compte. Une occupation du temps, certes, mais aussi une pause pour renforcer les liens et relations, en évoquant la quotidienneté, la vie, ses hauts et ses bas. Ainsi donc, ces endroits deviennent pendant le mois de ramadhan des espaces de rencontre privilégiés. Au marché, le mouvement s'intensifie, les arrivants des autres localités affluent et les commercent s'animent, on achète et on marchande, les forces de l'ordre veillent au grain afin de sécuriser les surfaces. En attendant les soirées de ramadhan où, profitant de la fraîcheur de la nuit, des familles viennent aussi flâner dans les rues, dégustant et faisant d'autres dépenses. Un mois sacré qui a ses propres habitudes, son rythme et ses moments de méditation. La journée de jeûne prend fin dans la convivialité familiale.