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Tlemcen: Le Hirak s'étend aux APC, des appréhensions

par Khaled Boumediene

Le phénomène de contestation contre les Assemblées populaires communales (APC) s'intensifie à Tlemcen.

Depuis le début du Hirak, les APC de Sebdou, Aïn Fettah, Aïn Fezza, Aïn Ghoraba, Amieur, Terny, Souani, Fellaoucène, Bouihi, El-Aricha, Oued Lakhdar, Ouled Mimoun, Sidi-Abdelli, Aïn Youcef et Remchi, sont au centre des critiques. En effet, les habitants de ces communes ont exprimé leur colère vis-à-vis de leurs élus, à leur tête les présidents d'APC. Sans aucun encadrement politique, syndical ou associatif, les manifestants ont organisé des sit-in devant le parvis de leurs municipalités, pour revendiquer des logements sociaux ou ruraux, des emplois, ou pour dénoncer la corruption et la hogra, et demander plus d'infrastructures afin d'améliorer leur cadre de vie (polyclinique, routes, eau, gaz, assainissement, stades, marchés, écoles et lieux de distractions et de loisirs pour les jeunes). Dans certaines localités, les manifestants ont même exigé l'ouverture d'enquêtes sur la mauvaise gestion des affaires publiques de ces conseils municipaux.

A Sebdou, des citoyens surexcités ont squatté les logements sociaux du centre-ville avant même l'organisation de l'opération de tirage au sort pour la désignation de leurs appartements situés dans deux sites, l'un au centre-ville de Sebdou et l'autre à Tbouda (2 kilomètres à l'est de Sebdou). Les forces anti-émeute réquisitionnées par les autorités locales ont pu expulser les indus occupants dans le calme et disperser la foule qui a assiégé les sièges de l'APC et de la daïra de Sebdou. Il faut le souligner, de nombreux manifestants dont la localité est confrontée à un retard patent en matière de développement local ont affirmé pacifiquement et dans le calme leurs revendications et rempli un cahier de doléances lors de leurs rassemblements devant leurs sièges d'APC. Par contre, dans les localités d'Oued Lakhdar (daïra d'Ouled Mimoun) et Aïn Youcef (daïra de Remchi), les protestataires en colère sont passés carrément à la manière forte : murer l'accès du siège de l'APC. Les manifestants ont installé des tentes devant les sièges d'APC pour déloger les maires, leurs adjoints et pour exprimer leur détermination à poursuivre leurs rassemblements. A Bouihi (daïra de Sidi-Djilali), le siège de l'APC a été lui aussi cadenassé privant ainsi des centaines de citoyens d'accéder aux services de leurs mairies pour retirer les documents d'état civil ou de mariages, les autorisations de droit de voirie ou permis de construire, ou même pour déposer leurs dossiers de logements, de handicapés ou de solidarité sociale. Ce vent insurrectionnel risque de toucher d'autres localités de la wilaya.

En réaction, de nombreux citoyens ont condamné ce mode opératoire suivi par les manifestants, qui consiste à fermer l'accès à l'APC avec un mur, car, selon eux, cela risque de nuire au dévouement, à la dignité et au pacifisme du peuple algérien qui organise des marches pacifiques depuis le début du Hirak, le 22 février dernier. «Ceux qui murent l'accès des APC veulent discréditer le Hirak ! A ces gens-là, nous leur dirons que notre révolution est civique et salmiya ! Notre Hirak est une chance qui pourrait à terme se transformer en force de changement démocratique, de stabilité et de progrès social, et qu'ils sachent aussi que nous ne tolérons jamais ce genre de comportement virulent et irresponsable pour réclamer le départ d'un président d'APC ou quoi que ce soit ! Nous sommes contre la désobéissance civile et l'insurrection générale qui pourront nous conduire vers des dérapages dangereux et un avenir incertain !», affirment plusieurs habitants. Ces appréhensions légitimes des citoyens seront-elles prises en considération ?