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Théorie du chef

par Amine Bouali

Depuis l'aube des temps, le métier de chef attire la convoitise du plus grand nombre. A tel point que, partout dans le monde, des enfants, dès qu'ils arrivent à admettre qu'il faut faire quelque chose dans la vie, expriment le souhait de devenir chef, une fois parvenus à l'âge adulte. Même en cette période passionnée et idéaliste du hirak, le brave peuple algérien dans son entier, s'il ne tenait qu'à lui, se verrait volontiers être promu, par exemple, patron ou Président-directeur général. La carrière de chef séduit beaucoup de gens car ils la rattachent à l'exercice d'un pouvoir qui est d'abord synonyme, à leurs yeux, de faveurs et de privilèges. En particulier dans des pays comme le nôtre où le respect des droits des citoyens par les différents types d'autorité censés réguler la société, n'est hélas pas toujours observé à la lettre, et dans lesquels le droit des chefs prime parfois (ou souvent) sur le droit.

L'absence ou le manque de démocratie et peut-être la piètre carrure humaine et professionnelle de certains chefs (à différents échelons et dans divers domaines) sont les principales raisons qui conduisent ces derniers à user et abuser de leur autorité, à faire fi des conseils et des points de vue critiques, à récidiver dans les diagnostics et les décisions erronés, à dévoyer les notions, pourtant capitales, de service public et d'intérêt général. Mais c'est également dans ces infortunés pays du tiers-monde que des femmes et des hommes essaient d'accomplir avec dignité, chaque jour que Dieu fait, leur difficile métier de vivre. Mahatma Gandhi filait lui-même sa laine et marchait pieds nus dans les rues de Bombay. Plus modestement, cet ancien responsable de la Santé d'une wilaya de l'intérieur de l'Algérie avait toujours sur lui deux stylos: l'un qu'il payait de sa poche pour écrire ses lettres personnelles et l'autre, fourni par l'administration, qu'il utilisait pour traiter son courrier de bureau. Le grand privilège dans la vie n'est pas de commander mais de servir. Et le seul commandement qui vaille, ici-bas, est d'essayer d'être utile et de se mettre au service d'une noble cause ou d'un grand dessein. Sinon, à part ça, tout le monde a le droit d'être chef. Même si, d'une certaine manière, nous le sommes tous, un petit peu... Chef de nos moutons, de nos illusions et de nos regrets.