Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La Saint Valentin et l'oukase de la faculté de droit de Saïda

par Amine Bouali

Le département de droit de la faculté de droit et sciences politiques de l'université Dr Tahar Moulay de Saïda s'est fendu récemment d'un communiqué interdisant à ses étudiants de s'offrir des fleurs le 14 février prochain, soit le jour de la Saint Valentin, la fête dite de l'amour. «Quiconque, précise le communiqué, sera surpris en train d'offrir des cadeaux dans l'enceinte universitaire sera traduit devant le conseil de discipline».

On peut comprendre que des Algériens plus ou moins conservateurs soient rétifs à l'importation de modes occidentales tous azimuts. Pourtant la fête de la Saint Valentin n'est célébrée que de manière très minoritaire dans notre pays. Mais les enseignants initiateurs de cette drôle de note ne semblent pas avoir craint le ridicule en voulant empêcher les étudiants de s'offrir des cadeaux, même au sein de leur université, s'ils en avaient envie... Depuis quand s'offrir des fleurs dans ce pays est devenu interdit, compromettant ou «haram»?

La société algérienne est musulmane, et de ce fait elle reste pudique en général dans l'expression de ses sentiments. Mais l'Islam, que je sache, n'a jamais proscrit les mots gentils, les émotions et les sourires. Et un musulman n'est pas un robot dénué de cœur, de poésie et de sens du beau.

Qu'un tel texte puisse être écrit par des enseignants universitaires montre aussi à quel point une partie de l'université algérienne est gangrenée par l'étroitesse d'esprit, le manque de discernement et de pédagogie. S'offrir des fleurs est un geste tendre, pas le début de la prostitution. Bien sûr qu'on doit apprendre à nos enfants à respecter les bonnes mœurs, mais il faut aussi les éduquer aux bonnes manières, aux comportements policés et au respect d'autrui.

N'en déplaise aux enseignants de la faculté de droit de notre bonne ville de Saïda, le choix qui se pose aux Algériens est simple : ou bien ils veulent construire pour les générations futures une Algérie paranoïaque, barricadée sur elle-même et voyant le diable partout, ou bien ils souhaitent leur laisser en héritage une société saine, épanouie où elles concrétiseront «amoureusement» leur ambition dans la vie ?