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Voilà, ils sont sénateurs et puis après ?

par El Yazid Dib

Voilà, en ce dimanche 30 décembre, ils sont sénateurs. Tout un chacun s'interroge sur leur rôle et se dit que vont-ils faire ? Ah si ! Ils vont changer le monde, réajuster le baril, renflouer les caisses de l'Etat, équilibrer les pouvoirs et planter des roses dans la poitrine de la nation. Ces 48 nouveaux sénateurs sont tous sérieusement inquiets du labeur qui les attend. Les travaux législatifs qu'ils vont piloter, les lourdes propositions qu'ils vont initier sont en filigrane de leurs principales préoccupations. Ils ne sont pas heureux les pauvres. C'est au service de cet indocile citoyen, cet élément populaire irréductible qu'ils s'apprêtent, avec foi et ardeur, à travailler d'arrache-pied, en totale présence. Ils crécheront au sein même de l'hémicycle et ne verront que des nuits blanches à force de puiser dans les Dalloz et les Thémis le Droit et le Droit comparé. Ils disent pouvoir brûler toutes les chaloupes, veiller à élargir la Méditerranée et mettre dans chaque plage un grillage pour empêcher les poissons de venir se nourrir sur la côte. Jaloux de la souveraineté du pays et arborant fièrement les écussons de son étendard national, ils n'iront jamais déposer des dossiers de visa au consulat français, haïssant à mourir l'ancien occupant colonialiste. Trêve de raillerie mon pote et essaye de voir dans les sillons de la main de la quotidienneté ce qu'ils pourront faire. Oui, changer de fringues et de look est une première étape. Suivie par un nouveau portable et un rafraîchissement de répertoire.

Alger va s'ouvrir encore avec ses auberges et ses piaules à leur nouvelle vie. Ils viennent de loin, qui d'une nudité, qui d'une indifférence. Chacun a déjà dans sa poche un projet et un lot de promesses. En fait, ce sont eux les produits finis ou tombés en rebut de toute une machine qui s'était mise en branle depuis les dernières élections locales. La démocratie que cachaient des mauvaises élections primaires en souffre davantage des mauvaises alliances, parfois contre nature, parfois exacerbant un régionalisme primaire. A Sétif, le candidat gentil intrinsèquement se prêtait au jeu du candidat d'un Nord, c'est comme si ce Nord ne dépendait pas d'une wilaya. Le critère origine natale a supplanté l'appartenance politique et a dilué toutes les divergences idéologiques.

L'Assemblée dans ses deux formes est une merveille universelle, dans son fond un tremplin pour l'ambition démesurée et une tribune pour ceux en mal de statut social. D'anonymes individus, inconnus dans leurs contrées, elle croit en faire de prestigieux défenseurs des intérêts suprêmes de la nation. Alors qu'ils ne sont que des bras croisés mais levés à longueur de session et de suiveurs de walis à longueur de visites officielles. Non Monsieur, vous ne me représentez pas, vous ne le faites que pour votre personne et ceux qui vous ont mis en orbite. Vous allez avoir un siège, un cartable, une carte, une immunité, une forte indemnité et puis après ? Vous reviendrez comme ceux qui vous ont précédés et redécouvrirez votre désert, votre misère malgré l'amas de fortune ou l'aisance financière supposée. Vous ne serez pas à l'abri de votre intime conscience, les rues de la ville ou les coins du douar vous rejetteront. A-t-on vu un ancien sénateur ou député refréquenter les cafés maures autant qu'il le faisait quand il n'était qu'un embryon politique ? A-t-on vu un projet d'utilité publique portant son empreinte ou son entremise implanté dans sa wilaya ? Par contre, nous avons vu des investissements, des affaires se faire en cours de mandat.