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Syndicalisme, le tournant

par Mahdi Boukhalfa

L'avènement d'une confédération des syndicats algériens (CSA), issue des syndicats autonomes des différents secteurs de la fonction publique, sonne le glas du syndicalisme rentier, représenté depuis l'indépendance par l'UGTA, une des organisations de masse satellites de l'ex-parti unique. Si le multipartisme est déjà une réalité, le pluralisme syndical a longtemps été refoulé, écarté, sinon brimé par l'administration. Et pourtant, c'est une alternative pour les travailleurs de l'administration, de la fonction publique en particulier, à l'impasse dans laquelle s'est fourvoyée depuis plus de vingt ans l'UGTA qui a commis l'erreur fatale de soutenir les politiques antisociales des gouvernements successifs depuis les années 2000. De s'occuper plus de politique que de syndicalisme, de s'allier plus aux partis politiques de la majorité qu'aux mouvements syndicaux, fussent-ils autonomes et plus présents sur le terrain des luttes syndicales. Et, surtout d'avoir oublié que les travailleurs algériens n'existent pas seulement au sein des entreprises publiques, au sein du secteur économique, mais plutôt dans l'administration, les écoles, les hôpitaux, les communes et les collectivités locales.

Les travailleurs de la fonction publique se sont dès lors pris eux-mêmes en charge et ont bataillé pour arracher leurs droits, améliorer leurs conditions de travail et leur pouvoir d'achat. L'UGTA, au contraire, s'est désavouée elle-même et s'est isolée en tournant le dos au formidable mouvement revendicatif de milliers d'enseignants, de professeurs d'université, de médecins et infirmiers, des postiers, de l'administration, en allant conclure un pacte avec le gouvernement et le patronat, comme pour cautionner les importantes concessions sociales faites à tous les gouvernements depuis le second mandat du président Bouteflika.

Ce sont au contraire les syndicats autonomes représentant les secteurs de la fonction publique qui vont occuper le terrain de la revendication et lutter pour améliorer les conditions sociales de leurs adhérents, notamment au sein de l'Education nationale, la Poste, l'administration publique et le secteur de la Santé. Mais, également en défendant l'amélioration des conditions de travail, de vie décente, les salaires, une meilleure retraite.

Sur ce terrain, l'UGTA n'a pratiquement rien fait, d'autant que sur le dossier sensible des retraites la centrale syndicale a pris fait et cause pour les thèses du gouvernement, ce qui, pratiquement, lui a valu une perte de confiance des travailleurs et sonné la migration des travailleurs vers les syndicats autonomes. En face, les revendications sociales, ponctuées de grèves dures, devenaient plus ouvertes et intenses des syndicats autonomes, notamment au sein de l'Education nationale, ce qui fatalement a fait de ces syndicats des interlocuteurs incontournables de l'administration, ainsi que le ministère du Travail, et les vrais représentants des travailleurs, tous secteurs confondus de la fonction publique. Aujourd'hui, la naissance d'une confédération des syndicats algériens marque une ère nouvelle et enrichit le paysage syndical en Algérie. C'est aussi une bonne chose pour le mouvement syndical national qui avait besoin d'une confédération autonome. Cette nouvelle donne incitera-t-elle l'UGTA, qui fait plus de politique que de syndicalisme, jusqu'à soutenir un 5ème mandat de Bouteflika, à inverser la tendance et revenir à ses missions ?