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Le «mute» des Saoudiens

par Moncef Wafi

En une phrase lapidaire, Trump a remis à sa véritable place le roi saoudien en l'humiliant comme jamais ne l'a été un président ou un monarque. Une punchline assassine qui résume tout le bien que peut penser le très contesté président américain de Salmane, le serviteur des Lieux saints de l'islam.

En affirmant publiquement qu'il perdrait son trône en moins de deux semaines sans le soutien des Etats-Unis, Trump savait exactement de quoi il parlait. Dans un discours peu diplomatique, il a fait comprendre aux Al-Saoud que leur survie ne dépend que du bon vouloir de Washington et du prix qu'ils sont prêts à mettre. Ce peu de considération au roi wahhabite et à ses pairs du Golfe n'est pas nouveau en soi puisque Trump n'a jamais caché ses sentiments envers les monarchies arabes ni sa haine de l'islam. Inconditionnel d'Israël, il a poussé Riyad et Abou Dhabi à plus de compromission avec l'entité sioniste et les a entraînés dans ce pacte du siècle qui offre Al Qods aux Israéliens. En 2017, Trump, flanqué de la belle Melania, a vendu pour 110 milliards de dollars d'armes américaines à l'Arabie Saoudite contre une danse du sabre et la promesse d'une guerre par procuration contre l'Iran. Pourtant, connaissant la promptitude des Saoudiens à répondre à toute insinuation sur leurs affaires internes, on aurait dû s'attendre à un tir de barrage de Riyad, à une rupture diplomatique avec pertes et fracas avec Washington, à une levée du bouclier antimissile, à une offensive des médias saoudiens et assimilés contre les Américains. On a attendu, espéré un petit quelque chose, même un murmure de désapprobation, à défaut d'une riposte même mesurée, mais rien. Walou. Silence radio sur toute la ligne, un «mute» qui contraste singulièrement avec la véhémence de la tribu lorsqu'ils veulent répondre à Berlin, Ottawa ou encore Alger. Il a suffi au Canada de réclamer la libération de deux militantes saoudiennes, emprisonnées dans leur pays, pour assister à un véritable concert d'indignations, de protestations, d'insultes, de haut-le-cœur, de crachats et d'évanouissements des Saoudiens. Le monde a alors été témoin d'un parallèle grotesque entre les deux pays. Le Canada devenait subitement une république bananière, un pays de non-droits, un Etat raciste et ségrégationniste. Rien que ça. L'Allemagne en a eu aussi pour son grade quand l'ancien ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, avait critiqué «la politique étrangère aventurière» de l'Arabie Saoudite et lui avait reproché la guerre au Yémen. «Pas d'ingérence, ni atteinte à la souveraineté» est le credo du royaume qui s'est également empressé d'exiger la tête des supporteurs de Aïn M'lila qui avaient osé brocarder le roi. Mais Trump, lui, et toute l'Amérique, c'est le parapluie, le garant de l'éternité, le cow-boy qui protège la veuve, le pacte de Quincy. Et quand l'Amérique éternue, c'est tous les rois arabes qui s'enrhument.