Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une posture inquiétante

par Mahdi Boukhalfa

Le gouvernement va aggraver le peu de crédit dont il jouit auprès des milieux d'affaires algériens et, pis, compliquer la situation pour le secteur des services en donnant, à sa manière, un autre tour de vis à la publicité des entreprises. Non seulement l'avant-projet de loi de finances 2019 ne propose aucune solution pour une relance à moyen terme de la croissance, sinon une meilleure maîtrise des déficits, mais il s'entête à poursuivre une politique économique suicidaire. Les données «fuitées» de cet avant-projet de loi font peur et, surtout, inquiètent les entreprises privées et publiques, même si ces dernières sont «sponsorisées» par le Trésor public en cas de faillite ou de bilan négatif.

L'exécutif, qui a revu en baisse le budget d'équipement, et donc va fatalement geler un certain nombre de projets de développement local, va également restreindre encore plus la création d'emplois dans le seul secteur qui survit à la crise, celui des services. En fait, le secteur des TIC, en particulier la publicité et la communication dont la création de sites web, est un des rares à échapper à la crise de l'emploi et donc celui qui offre de réelles opportunités de travail aux jeunes diplômés et, dans la foulée, participe à l'effort national de soutien des caisses de sécurité sociale en déclarant ses employés. Or, l'avant-projet de loi de finances 2019 va, s'il n'est pas revu en Conseil des ministres, sinon par les parlementaires, annihiler les efforts des jeunes start-up de créer une dynamique économie numérique, aux médias dont les journaux de survivre à la crise à travers une publicité qui est principalement dirigée vers le secteur public, ne laissant que des miettes aux journaux indépendants. Et, dans l'alinéa 4 de l'article 169, cet avant-projet de loi de finances 2019 se propose de limiter le montant des dépenses publicitaires déductibles d'impôt à 2,5% du chiffre d'affaires annuel.

«Les dépenses liées à la promotion des produits (biens ou services) ne sont déductibles au plan fiscal qu'à concurrence de 2,5% du chiffre d'affaires annuel». Une véritable massue pour les entreprises algériennes qui doivent lutter à armes inégales avec les groupes étrangers sur le terrain de la publicité, avec des produits qui vont devenir «illisibles» pour les consommateurs, ce qui se traduira par des méventes, une baisse des investissements, des difficultés de trésorerie et enfin des licenciements. Les raisons d'une telle approche ne sont ni convaincantes ni profitables pour l'économie nationale en général car ce tour de vis incongru va saper le moral des jeunes entreprises, compliquer la trésorerie des médias indépendants et limiter les recettes des caisses de sécurité sociale, dès lors que ce jeune secteur en pleine croissance verra son impact social et économique ramené à la portion congrue par une mesure en contradiction absolue avec les fondamentaux d'une économie saine.

Car pinailler sur les chiffres de la publicité des entreprises pour traquer «la fraude» en limitant les exonérations fiscales, c'est mettre leur tête sur un billot et scier la branche qui assure un fragile équilibre à un secteur tertiaire qui veut croire qu'il est une alternative à la crise économique, qu'il peut participer à la relance de l'économie nationale en créant des emplois, de la richesse, de la plus-value là où le gouvernement n'en voit pas, car obnubilé par la protection de cette affreuse «économie d'épiciers», celle qui vit au «jour le jour», et non pas une vision globale de la situation, même délicate, mais qui appelle toutefois à des solutions douloureuses certes, mais salutaires à moyen terme.