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Ouyahia, une cible ?

par El Yazid Dib

«Je dérange, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur», ainsi s'exclamait Ouyahia un jour où il officiait à la primature ministérielle. C'est vrai qu'il continue à ne rien faire pour ne pas s'attitrer les foudres en feux croisés de nulle part. Ses déclarations parfois jugées « dangereuses » parfois intempestives ne semblent pas cadrer avec une certaine logique devenue systémique allant dans le sens du tout va bien. Dire vrai ou s'essayer de le suggérer est une rude épreuve pour un entraîneur en chef quand une équipe est mal en point et des spectateurs en expectative. Qu'a-t-il dit en fait qui puisse troubler l'ordre public, causer des ennuis dans le couffin de la ménagère ou gonfler les caisses du Trésor ? Le tirage à flot de billets de banque n'ôte en rien de la valeur du même billet dévalorisé depuis belle lurette. Bien au contraire, il l'ajuste à son juste prix. Le gaz de schiste n'est pas pour cette soirée ni pour un lendemain qui ne verra pas le jour. Une simple mais sournoise piste à excaver malgré la divergence des experts. Le probable remaniement ministériel ? Même s'il n'est pas pour demain, il sera pour les prochains mois. Tellement redondant et itératif voire habituel, ce remaniement ne s'arrêtera pas de sitôt et fera encore valser des cadres et cadres. C'est là aussi une dynamique systémique. Devancer sa survenance ou l'annoncer à propos n'impacte pas la dialectique qui a jusqu'ici prévalu en la matière.

Lui ou un autre, devant une situation économiquement « dangereuse », ne pourra éviter en cachant par des mots, une vérité qui se vit, qui se subit dans le lot quotidien de chaque citoyen. La pomme de terre est à 80 dinars, l'eau manque dans les robinets, les transports sont un enfer, les espaces verts sont devenus des espaces de verres, les hôpitaux convertis en mouroirs, l'écolier ne trouve pas son banc, le travail existe et le chômage persiste, le vent ne souffle plus et la pluie se fait désirer ; est-ce là la faute de gestionnaires, la malédiction des saints ou le châtiment de Dieu ? Du moins ce que croiront certains.

L'on veut voir en un Premier ministre, un chirurgien qui devant une tumeur généralisée devra taire le diagnostic et opérerait en excluant le patient et ses proches du mode de traitement adéquat. Il est de ces cas où l'information qui précède un projet n'exprime pas totalement l'intention de passer à l'acte. Un ballon de sonde, une pré-conception d'opinion publique, un examen de satisfecit ou un test de réprobation ont été toujours des outils olympiques dans la règle du jeu politique.

Le malheur d'Ouyahia n'est pas dans ses paroles, car celles-ci restent objets à l'interprétation de tout un chacun. Selon sa position d'audition ou sa posture personnelle. S'il ne dit pas totalement la vérité, rien que la vérité, il ne semble pas trop enclin à dissimuler la réalité, la sienne, quoique la fardant peu ou prou. Son malheur est cependant dans son opiniâtreté à se faufiler entre les mailles des humeurs du pouvoir et sa ténacité à défier les équivoques qui lui font face. C'est ce qui le fait à la une des événements et le sort d'un ordinaire premier-ministériel tout en le plaçant droitement en ligne de mire. Ne s'est-il pas recyclé dans la néo-fonction non conventionnelle ?

Connu pour son caractère de résistant et sa capacité d'encaissement à l'égard de toute l'adversité qu'il semble bénévolement provoquer, l'homme dépasse d'un cran le stagiaire effarouché et craintif. Le yaourt comme les incarcérations et l'oligarchie ne le coincent plus. Il les revendique même. Naturellement il sait compter ses ennemis et n'arrivera jamais à cerner ses amis. A la déraison l'opposition politique le chouchoute au moment où à la dérision, la présumée alliance ne porte ni au contrat ni au doigt son alliance.