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Dans l'ordre des illusions

par Ahmed Farrah

Pour la première fois, le congédiement d'un Premier ministre ne s'est pas passé dans l'indifférence comme cela était souvent le cas. Monsieur Tebboune est parti trois mois seulement après sa nomination mais avec une popularité qu'il n'espérait sans doute pas lorsqu'il a été appelé à prendre ses nouvelles fonctions. Toutefois, que vaut une popularité si elle n'était pas portée par un mouvement capable de la traduire dans les faits ? Certainement peu de chose. Cet épisode nous montre bien le fossé qui ne cesse de se creuser entre Algériens, une minorité qui profite d'un état de fait et ceux qui le déplorent. Beaucoup espéraient qu'il était le trublion en mesure de remettre les choses à leurs places et se placer sur la rampe de lancement en vue des prochaines présidentielles. Une douche froide est venue rappeler que le système n'a jamais permis, pendant toute son histoire, aux électrons libres de quitter leur orbite. Les initiés le savaient très bien et se sont éclipsés pendant que Tebboune croisait le fer contre les symboles de ces fraîchement arrivés à la tête de conglomérats d'affaires juteuses. La levée de boucliers des « oligarques » est venue brutalement lui faire savoir que les Don Quichotte du monde virtuel ne lui seront d'aucune utilité, eux-mêmes se déchirent, se compliquent les choses simples et doutent de tout ce qui peut venir de l'intérieur du sérail. Non, il y a aussi parmi ceux qui sont aux responsabilités, des hommes intègres et jaloux de leur pays. Ils sont partout, dans l'administration, la justice, les médias, parmi les chefs d'entreprises? sans cela le pays aurait été déjà anéanti il y a très longtemps. En tout cas M. Tebboune a osé se mettre en travers de beaucoup d'intérêts, d'ici et d'ailleurs surtout, oubliant que le monde a changé il y a si longtemps et que le protectionnisme est révolu. Un Etat n'est souverain que lorsqu'il peut dicter les règles du jeu avec sa puissance créative et innovante. Or, vouloir fermer la frontière aux pommes françaises et au carrelage espagnol et ne vendre que du fossile à l'Espagne et à la France, c'est se mettre dans une mauvaise posture. Comme aussi, casser des entrepreneurs dont la vocation est d'amasser le maximum de profits et les remplacer par une bureaucratie lourde et corruptible ne fait que transposer le mal d'un siphon vers un autre. Partout dans le monde des grands, l'Etat régulateur n'entrave pas la croissance économique et quand il s'agit de répartir les richesses, il doit être ferme pour assurer la paix et la justice sociale. Pour ce qui est des tricheurs et ceux dont l'enrichissement parait douteux, seule une vraie justice, indépendante et non instrumentalisée serait en mesure d'atténuer ces pratiques illicites? Sinon, tout ne serait que de la poudre aux yeux ou une chasse aux sorcières appelée communément « mains propres » et souvent, ce sont les mains sales qui applaudissent le plus fort...