Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Gouvernement: Appliquer le nouveau modèle économique de croissance

par Ghania Oukazi

Echaudé par les résultats des élections législatives du 4 mai dernier, le clan présidentiel semble s'être ressaisi en nommant un gouvernement sans envergure et surtout sans attache apparente à de quelconques officines occultes.

«Il veut être un 1er ministre», disaient les journalistes entre eux à chaque fois qu'ils voyaient Abdelmadjid Tebboune à l'écart des rangs qui se formaient autour de Abdelmalek Sellal lorsqu'il se déplaçait à travers les wilayas du pays. L'ex-ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme faisait des déclarations à qui voulait des journalistes, refusant ainsi de se plier à l'injonction donnée par l'ex-1er ministre à ces ministres de ne pas perturber ses visites. Il voulait être 1er ministre, il l'est depuis mercredi dernier avec tous les honneurs de la République. Il savait qu'il allait l'être, il s'y attendait du moins au regard de l'assurance qu'il avait affichée durant ces derniers mois. Ce n'est pas le cas de son prédécesseur qui n'a certainement rien compris à ce qui lui arrivait en ce fameux mercredi. Sellal s'était confié le jour même que jusqu'à 11h, il ne savait pas qu'il devait céder son poste. Il avait été rassuré de le garder et même de constituer son gouvernement. Son départ a dû se décider à la toute dernière minute. La République n'a ainsi pas accordé les honneurs qu'il fallait à un 1er ministre qui avait pourtant occupé le terrain depuis qu'il a été nommé à ce poste. Il a servi pendant cinq longues années de «souffre-douleur» pratiquement à tous les Algériens dont les problèmes n'en finissent pas. Il avait une capacité d'écoute remarquable. Il rebondissait sur tout avec le mot pour rire et très souvent faisait le buzz. Véritable tête de Turc, Sellal a été mis en avant pour parer aux coups donnés contre un gouvernement inintelligent. L'ex-1er ministre a été mis par le pouvoir pour être cette victime expiatoire devant les nombreux mécontentements socioéconomiques du pays. Profondément humain, Sellal aidait sans compter. Son départ avec une manière inélégante a suscité la compassion, y compris de ceux qui ne l'aiment pas.

Sellal «fidèle et disponible»

Rien ne dit cependant qu'il est fini, le clan présidentiel l'a testé dans plusieurs contingences, il lui est toujours resté fidèle et disponible. D'ici à 2019, beaucoup de coups fourrés pourraient entraver les projections du pouvoir en place, et ce quels qu'en soient les scénarii qui pourraient être élaborés.

Le clan présidentiel en a déjà eu un avant-goût dès l'annonce des résultats des élections législatives du 4 mai dernier. Résultats qui avaient contredit les pronostics fixés par une politique de quotas chère au pouvoir. Le RND en est sorti vainqueur avec 100 sièges alors qu'il ne devait pas, selon les concepteurs de cette politique, dépasser les 60 (voir Le Quotidien d'Oran du 15 mai 2017). Le clan présidentiel ne savait pas qui avait fraudé pour le compte d'un parti dont le secrétaire général ne s'est pas empêché de dévoiler son ambition pour 2019. Les analystes ont de suite évoqué des agissements de réseaux dormants affiliés à d'anciens patrons des services. Le flottement des décideurs n'a pas duré longtemps. Il leur fallait vite récupérer les choses pour les retourner en leur faveur.

Premier acte, la nomination de Saïd Bouhadja à la présidence de l'APN. Avec ou sans les sièges du RND, la majorité absolue lui était acquise sans problème de par les coalitions que le FLN a largement le choix de faire avec les nouveaux partis du pouvoir tels que le MPA, le parti de Belaïd, et TAJ et par-delà l'ANR et autres indépendants. Ouyahia le sait. Il devait se repositionner vite et bien, en déclarant le premier son soutien au candidat du FLN. Il faut croire qu'il n'avait pas trop le choix. Il recevra quand même un avertissement du clan présidentiel qui lui a, dit-on, refusé tous les noms qu'il avait proposés pour prendre des portefeuilles au sein du nouveau gouvernement.

Le RND, grand perdant

Mécontent, le SG du RND aurait dit que même Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, et Mohamed Mebarki, ministre de la Formation professionnelle, ne lui appartiennent pas. Rappelons que Mebarki est compté parmi ceux qui lui sont dissidents.

Pris un par un, à quelques rares exceptions, les membres du gouvernement n'ont aucune envergure et n'ont pas de fil à la patte apparent. Leur choix semble répondre à un recadrage éminemment politique. Le clan présidentiel a décidé d'étêter tous les réseaux qui y avaient avancé leurs éléments. Il a alors mis hors fonction des responsables comptés qui sur l'ex-DRS, qui sur le mouvement berbériste, qui sur hizb frança, qui sur les Tagarins? L'on ne peut ainsi affirmer que les ministres partants l'ont été à cause de leurs échecs même si beaucoup d'entre eux ont brillé par la frime, ni que les nouvelles recrues le sont pour leur compétence. Certains ont été changés en raison de leur suffisance et leur tentative de se libérer de leur tutelle.

«Je vais solder mes comptes avec lui», aurait dit Saïd Bouteflika à propos de Abdesselem Bouchouareb. Le départ du ministre de l'Industrie, pour ne citer que lui, était attendu depuis que le secrétaire général de l'UGTA l'avait ciblé avant et durant la tenue de la tripartite de mars dernier à Annaba. Celui de l'Energie ne devait pas rester longtemps puisqu'il a été avancé que l'accord conclu par l'OPEP à Alger l'a été grâce à un jeu de coulisses mené par Chakib Khelil. Le ministre des Finances a été sévèrement critiqué par Tebboune, alors ministre de l'Habitat, pour lui avoir bloqué des financements.

Le choix d'un gouvernement aussi insipide, s'il est loin de cadrer avec les exigences d'une conjoncture économique et financière difficile, ne pourra en tout cas pas faire de «vague» politique. Il est attendu qu'il soit procédé à des changements au sein des grandes institutions de l'Etat et de la haute administration en fonction de ces exigences.

Saïd Bouteflika face à 2019

«La situation paraît difficile mais les cadres sont entraînés pour y faire face», avait déclaré le nouveau 1er ministre lors de la passation de consignes entre lui et le nouveau ministre de l'Habitat. La déclaration est en évidence valable pour l'ensemble des secteurs. Tebboune prévoit de faire de nouvelles nominations comme il a commencé à le faire au niveau du secteur du commerce.

Le clan présidentiel veut d'ici à 2019 neutraliser toute velléité de contrecarrer le processus politique qu'il veut mettre en place. Saïd Bouteflika fait beaucoup parler de lui ces derniers temps. Il penserait peut-être à rééditer l'époque du parti politique qu'il voulait créer. Ceci dans le cas où un cinquième mandat paraîtrait difficile. Seule inconnue donc, l'évolution de la santé du président de la République, qui plombe le choix d'alternatives.

Aujourd'hui, Tebboune est mis en avant pour diriger un gouvernement qui risque de trébucher devant les grandes incertitudes du pays. Les ministres géreront tant bien que mal les affaires courantes mais n'accompliront certainement pas d'exploits. La préparation des élections communales est peut-être le seul événement en vue d'ici à la fin de l'année en cours. Mais il incombera sans conteste au ministre de l'Intérieur qui devra éviter au pouvoir des surprises de scores. Si l'APN est scellée, les APC de par leur nombre important sont plus difficiles à l'être. Les Algériens se rappellent encore la désobéissance des communes islamistes.

Kabyle de Béni Semghoune, tribu du sud-ouest du pays, Tebboune est présenté par ceux qui le connaissent comme un «franc tireur», un «bon chasseur, un «tireur d'élite». En un mot, c'est un meneur d'hommes qui n'hésitera pas à dicter des feuilles de route à tous les secteurs. Sa mission, poursuivre l'exécution du programme quinquennal de Bouteflika. Logement, emploi, économie, industrie, tout est inscrit dans le nouveau modèle économique de croissance? Le nouveau 1er ministre a affirmé qu'«il y a certes des difficultés financières mais il n'y a pas de rareté de la ressource». Ceci, même si le SG de l'UTGA craint le retour d'ici à la prochaine rentrée sociale du fâcheux épisode des salaires impayés.