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Fraude, tractations?: L'après-législatives sous le signe des incertitudes

par Ghania Oukazi

Les tractations du 1er ministre avec les partis susceptibles de siéger dans le gouvernement post législatives laissent planer des incertitudes qui mettent mal à l'aise des décideurs à l'ensemble de la classe politique.

L'on s'interroge à cet effet particulièrement sur ce qui a été dit entre Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia le mercredi dernier, jour où le premier est monté au siège de la présidence de la République pour rencontrer le second. L'émergence du RND à la faveur du scrutin du 4 mai dernier continue de susciter de grandes interrogations en haut lieu et chez les dissidents contre Ouyahia. L'on s'accorde à dire encore à ces niveaux que le RND devait être quelque peu bousculé par un score plus ou moins faible pour obliger son secrétaire général à revoir ses ambitions au rabais. Celle des ambitions qui est crainte est en évidence son accession à la présidence de la République en tant que chef d'Etat. Ouyahia avait bien déclaré à la fin de la campagne électorale que la grande bataille sera après le 4 mai. L'ambition est légitime. Elle est d'ailleurs celle d'une grande partie des responsables qui occupent la scène politique nationale depuis que Bouteflika a été affaibli par de sérieux problèmes de santé. Plus qu'Ouyahia, le 1er ministre doit certainement penser qu'il se doit d'engranger les dividendes d'un travail acharné sur le terrain et que le palais d'El-Mouradia lui revient ainsi de droit. A chacun de trouver les appuis qu'il faut pour réussir un tel pari. Ce qui fait revenir à la première interrogation sur le sort du RND et son succès lors des législatives. Depuis que les résultats ont été connus et que les observateurs étaient, depuis, certains que le verdict du Conseil constitutionnel n'allait pas y changer grand-chose, même en rajoutant d'autres, l'on dit que «ceux qui ont programmé de limiter les avancées du RND ne savent pas trop qui a agi dans le sens contraire». L'on tente de persuader que «pour une fois, ce n'est pas l'administration qui a fraudé». Les autorités locales auraient été dans certains bureaux dépassées par des agissements qu'ils attribuent à des «réseaux dormants réactivés pour la circonstance».

En attendant les véritables tractations

Si c'est le cas, pensent nos sources, «c'est qu'on risque d'être en pleine mise en œuvre d'un premier acte d'une stratégie bien réfléchie et dont les visées font peur». Bien qu'il soit avancé que les militaires ont en général voté blanc, on affirme une fois de plus que dans certaines villes garnisons, le comptage poubelle avait déjà montré que les voix de certains corps constitués ont été données au RND «puisque dans les bureaux de vote, tous les bulletins des autres partis, en premier le FLN, étaient jetés par terre», nous dit-on. L'on craint alors une résurrection de vieux démons «qu'on pensait finis mais qui ont bien préparé leur coup en réactivant des réseaux dormants mais bien rôdés». Il est alors reproché aux autorités locales «une passivité déconcertante». C'est, disent nos sources, «l'envers de la médaille remise à une administration qui, pour une fois, a été neutre et n'a pas fraudé». Pour nos interlocuteurs, «c'est la première certitude qu'on peut tirer de ces élections mais on a de suite la seconde, c'est qu'il y a eu fraude par des mains inconnues jusque-là mais qui n'ont agi que pour le compte du RND». Comprendre que «les fraudeurs» n'ont pas respecté la politique des quotas définis par le pouvoir décisionnel. Il est avancé que le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales a manqué de vigilance «face à des incursions de fraudeurs qui semblent connaître parfaitement les rouages d'organisation et de déroulement d'un scrutin». Plus que deux ans pour l'élection présidentielle. Les véritables tractations devront commencer incessamment. «Si elles n'ont pas déjà commencé», soulignent nos sources. Premier indice, «l'assurance d'Ouyahia qui semble savoir ce que ses concurrents ne savent pas», soutient-on. L'état de santé du président de la République est en point de mire dans ce qui devra désormais être entrepris pour préparer la présidentielle de 2019.

L'Algérie face à la France du jeune Macron

Le FLN, avec ou sans Ould Abbès, pense bien continuer à être le faiseur de président. Les alliances, qui lui sont faciles à faire avec les nouveaux partis qui vont siéger au sein de la nouvelle Assemblée, lui suffisent amplement pour «fermer» le jeu dans l'hémicycle. Pour un 5e mandat ou pour un nouveau candidat «du consensus», il pense bien avoir les coudées franches pour en être le porte-voix. «Mais rien n'est acquis», pensent des responsables bien inquiets. D'ici à ce que les choses se décantent, le gouvernement de coalition nationale que le clan présidentiel veut constituer devra s'attendre à des soubresauts parfois inattendus qui risquent jusqu'à le déstabiliser. «D'autant qu'on s'attend à ce que de nouveaux visages le regagnent mais qui ne seront pas forcément respectueux de la discipline gouvernementale requise», indiquent d'ores et déjà nos interlocuteurs. Il faut avouer que cette discipline n'a pas été trop de mise au sein du gouvernement actuel tant les tiraillements entre son 1er ministre et certains de ses ministres étaient devenus flagrants.

Les événements à venir risquent ainsi, selon des observateurs, de compliquer davantage une situation politique qui sera rythmée encore et toujours par l'état de santé de Bouteflika.

Des journalistes français avaient le 4 mai dernier anticipé sur un premier jet des relations algéro-françaises post Hollande. Ils pensent d'emblée qu'il serait malvenu qu'Emmanuel Macron choisisse de venir en Algérie dès son investiture en tant que chef de l'Etat français mais que son homologue Bouteflika aura des difficultés à s'entretenir avec lui pour des raisons de santé. Ils avancent même qu'il est très possible que ce soit le Premier ministre qui se déplacera à Paris pour définir le nouveau cadre de coopération entre les deux pays. C'est dire que l'Algérie avance vers une période d'incertitudes qui ne lui sera d'aucune utilité pour son repositionnement en Afrique mais aussi face à une Europe en faveur de laquelle la France du jeune Macron promet d'apporter de grandes nouveautés.