Les gens
raisonnables utilisent souvent cette expression proverbiale qui dit : «Parlons
peu, mais parlons bien», une locution pour mettre un terme à une conversation
sans fin. Pour parler, il faut avoir une vie, un esprit, une bouche avec une
langue et, bien entendu, quelqu'un avec qui parler. L'homme veut dire plein de
choses quand il a envie de parler. Il veut parler pour montrer son talent et
ses dents. Les philosophes s'expriment pour dire ou médire, tandis que les plus
stupides monopolisent la parole pour ne rien dire. Les plus bavards peuvent
parler avec un mur, un avion, une population ou avec soi-même, chacun est libre
de papoter avec qui il veut. Il paraît même qu'il y a des êtres disjonctés qui
arrivent à causer avec le désert. Le «parlage» des
nuls est un produit qui provoque l'ennui. Le franc-parler se trouve dissimulé
dans la bouche des plus raisonnés. Dans ces moments pénibles, pour se valoir,
il y a des personnes qui parlent avec des pots sourds, d'autres qui parlent du
matin au soir comme des fous, et certains qui délirent depuis toujours. Les
poètes clament la parole en prose, les hommes politiques causent de fraude, et
les demeurés discutent encore de patates et de bananes dans les cafés maures.
Parler à cœur ouvert est une denrée rare qui fait la grande pénurie. Les
parlementaires et le peuple font du papotage et ne communiquent pas dans la
même langue. Les orateurs sont des excités qui articulent sans mesure, ils
déclarent que les plus petits doivent écouter parler la sagesse des plus
grands. La parole de l'homme, c'est comme une balle, quand elle sort du canon
d'un fusil, elle ne revient jamais en arrière. La parole vide de sens continue
d'impressionner les moins que rien, et la parole qui illumine les esprits est
muselée et poursuivie. Hier, sous le régime de la peur, pour une parole, tu
pouvais clamser, dans le présent, sous la bannière de la pseudo-démocratie, tu
peux parler jusqu'à ce que tu meures. Entre la parole mielleuse et la parole
haineuse se cache tout un vocabulaire de toqué. Je parle, tu parles, nous
parlons?, mais sans résultat. Ils parlent, ils font et ils défont notre
destinée sans notre agrément. La voix quand elle est étouffée ne raisonne pas
dans l'atmosphère. Dans ces moments paresseux, la parole est érodée par la
langue de bois. Dans cette ambiance de bla-bla-bla, l'heure est propice pour
les fourbes qui sont sortis de leur léthargie, pour raconter des histoires à
dormir debout, et faire des promesses, comme d'habitude, pour gagner une place
dans la chambre basse pour se la couler douce comme leurs prédécesseurs. Les
gens en ont ras le bol des hommes qui ne tiennent pas leurs paroles. Hélas, «s'hab el kelma», ça ne court plus
les rues aujourd'hui.