Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La commune citoyenne

par El Yazid Dib

Le premier code communal de l'Algérie indépendante a été promulgué par l'ordonnance 67-24 du 18 janvier 1967. Plus qu'un territoire, un nom et une date de naissance ; la commune est un idéal interminable. Cinquante ans après le chemin continue.

Ce texte fondamental était venu à point nommé organiser la toute nouvelle commune algérienne. La considérant telle une «unité insérée dans l'Etat» ; le Code en question tenait ainsi à asseoir définitivement la Commune dans son cadre naturel, dans un pays totalement souverain et libéré d'une organisation territoriale inégale et partiale.

La Commune algérienne, «cellule de base» naissait alors dans un contexte d'algérianisation des textes et leur adaptation aux exigences que recommandait un besoin vital de développement. Depuis, la Commune s'est évoluée et persiste à le faire à mesure qu'évoluent les impératifs incessants de la croissance locale. Expression sans ambages de l'exercice de l'acte politique et citoyen ; la Commune a été de tout temps le socle essentiel de l'organisation sociopolitique du pays. Elle est à tous les rendez-vous nationaux. Si elle est le réceptacle final où viennent s'éclore et s'appliquer les dispositions législatives et réglementaires tous secteurs confondus, c'est qu'elle est un organe imprescriptible dans le démembrement de l'Etat et un cadre privilégié de démocratie, de concertation et de partage.

Ce texte fondateur de la nouvelle Commune se trouvait en filigrane de la charte de la commune d'octobre 1966 visant la mise en adéquation de la collectivité locale aux principes généraux de l'option socialiste. Elle ne pouvait se soustraire d'être le soubassement à la politique des révolutions trinitaires que menait tambour battant le pouvoir de l'époque. De la révolution agraire, à la culture au desideratum du changement de la société, la commune nouvelle s'est attelée à devenir un réceptacle où viennent s'éclore toutes les décisions nationales. C'est ainsi que naquit la commune algérienne.

Eu égard aux diverses mutations sociétales et suite aux exigences induites par une évolution tant des besoins que des mentalités citoyens , cette institution avait connu organiquement une multitude de controverses, de complexités et parfois de chevauchement dans les attributions intrinsèques ou même au cœur de son véritable but. A chaque étape on lui colle un nouveau rôle. Dans le passé et selon la feuille de route de l'une ou de l'autre révolution, elle s'astreignait à l'aspiration politique du moment. C'est d'elle que passait l'application des orientations du pouvoir et des résolutions de tous les congres du parti unique. Les membres élus ne provenaient que du FLN. Le président de l'Assemblée n'était pas un simple nom-tête liste mais bel et bien choisi nominativement par les électeurs. La responsabilité n'était pas uniquement d'ordre pénal mais émanait également d'une morale politique et d'une responsabilité personnelle. De grands noms, des moudjahidines volontaires ont fait les signes d'honneur et ont donné les signifiants insignes de mérite à leurs assemblées. Les citoyens en faisaient confiance et mettaient leur devenir entre leurs mains. Ils n'étaient pas des maires à qui l'on pouvait faire passer des ordres « hiérarchiques » malvenus de certains gouverneurs en mal d'inspiration ou cherchant une domination sur la ville.

Avec la libération du champ politique s'ouvrant ainsi au multipartisme en vertu des dispositions de la constitution de 1989, l'on vit venir d'autres couleurs politiques. La commune a failli devenir une annexe à une idéologie. L'arrêt dit du « processus » et la reconfiguration du monde politique national avaient mis entre parenthèse le caractère populaire de la commune et les délégations exécutives naissaient alors dans un climat de terreur, d'amalgame et d'incertitude. La route s'est persistée à se faire. La tragédie vécue dans le sang et la mort par le pays des années durant, la haine criminelle de hordes barbares et sauvages avaient failli mettre en péril la nation, ses institutions et ses repères. Les délégations exécutives communales suppléant le vide de la représentativité, la police communale, les patriotes, les groupes de légitime défense aidés par les éléments de l'ANP avaient pu malgré le danger et la menace sauvé vaillamment l'honneur républicain national.

Ce sont en effet au fil des ans qui se sont succédé ces hommes, ces « municipaliers », ces pionniers, ces ouvriers de la propreté, leur bravoure, leur dévouement qui nous font non seulement un devoir de mémoire mais aussi nous imposent par éthique à leur manifester des marques d'hommage et de reconnaissance. Ces honneurs sont à rendre à l'institution qu'ils ont vu naitre, l'ont mise en place et persévèrent à la rendre viable et perfectible. Et du coup à leur abnégation.

Cette halte cinquantenaire, comme regard très considérant de l'Etat envers ses institutions ne manquera pas d'élever dans le cœur de chaque élu, de chaque délégué, de chaque agent du service public, présents ou disparus ou leurs ayants droits, fierté et satisfaction. C'est l'Etat qui reste ainsi reconnaissant à l'égard de celles et ceux qui ont fait et font encore la Commune. En magnifiant la Commune, c'est l'effort fourni au service de tous qui recommande gratitude et reconnaissance.

Parce qu'elle est par quintessence une trame essentielle et importante dans l'organisation territoriale, un long récit de notre récente histoire, l'Assemblée populaire communale demeure l'un des premiers et principaux piliers institutionnels de la république algérienne, démocratique et populaire. C'est là où la volonté populaire à travers l'engagement sans reproche, par le biais d'une participation active et de plein cœur trouvera la plénitude de son expression. Une vie politique ne peut s'exercer que par ceux qui lui donnent le souffle et la raison d'être. Un cadre juridique renforcé et concerté, loin des humeurs du jour serait d'une justesse prodigieuse s'il arrivait à mettre hors de portée des aléas fatidiques circonstanciels cette jeune commune qui progresse et la rassurer de l'intempestivité du précaire.

Nonobstant son mérite d'avoir cinquante ans le chemin de la commune demeure encore long pour arriver au plein épanouissement. Il y a lieu de garder cependant cet espoir qui s'éjecte chaque jour de la prise de conscience et de la synergie à le faire partagée entre les pouvoirs publics et la société allant vers une commune ouverte aux siens, plus flexible pour se contenir dans l'ardeur participative de tous ses acteurs et davantage au service d'une citoyenneté responsable. C'est avis de simple citoyen qui ne cherche que paix et prospérité que j'ai tenu en cette honorable commémoration a vous faire partager tout en disant à tous ces «communards», bonne fête les amis !