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L'Iran exclut un accord aujourd'hui à la réunion de l'Opep: L'heure est au pessimisme

par Ghania Oukazi

«Les principaux acteurs énergétiques se doivent d'aboutir à un accord sur les niveaux de production pour conforter durablement les cours.»

C'est l'un des propos affirmé, hier, par le Premier ministre dans son discours d'ouverture de la 15ème session du Forum international sur l'énergie au Centre International des Conférences, ?Abdelatif Rahal', de Club des Pins. C'est surtout le vœu le plus cher des gouvernants algériens mais qui risque de rester pieux en raison des positions des responsables des pays membres de l'OPEP, les plus en vue qui demeurent, pratiquement, figées depuis près de trois ans, soit depuis la chute vertigineuse des cours du baril de pétrole. Le ministre iranien du Pétrole n'a pas mâché ses mots, hier, pour déclarer à la presse que son pays reste sur sa position de principe d'augmenter «sur le court terme » sa production pour la faire passer de 3,6 à 4,1 millions de barils par jour, ce qui constituera 13% du marché mondial. Et que ce n'est pas la demi-journée de demain consacrée à la tenue, ici, à Alger, de la réunion informelle de l'OPEP qui lui fera changer d'avis.

Au passage, il n'oubliera pas de souligner que cette réunion est «informelle» et que d'ici, le 30 novembre prochain, date de la tenue de la réunion de l'OPEP, à Vienne, Dieu reconnaîtra les siens (Ndlr). Les ministres saoudien, irakien et koweitien feront la même précision et attendent eux, aussi, novembre. Les sessions de travail et tables rondes programmées durant cette 15ème session de l'IEF permettront certes, de fructifier le dialogue et la concertation, tant précieux à l'Algérie en premier et à une communauté de producteurs et de consommateurs, dont les intérêts se confrontent souvent sous le poids et pressions d'agendas géostratégiques qui sont élaborés bien loin des feux des forums et des réunions notamment, quand ces derniers sont marqués par le sceau de l'informel. Au-delà de ces faits «avérés», les problèmes posés par les uns et les autres membres de l'OPEP sont de réels obstacles à toute entente entre eux-mêmes s'ils font de la nécessité de stabiliser le marché pétrolier leur véritable leitmotiv. Les nombreuses et intenses tractations menées par les responsables algériens de l'Energie et des Affaires étrangères l'ont bien affirmé, mais le problème comme noté par le ministre de l'Energie, réside dans « la technique, la formule et le calendrier qui doivent permettre et fixer cette stabilisation.»

Probable recentrage des problématiques

Les choses ne sont pas simples. « La situation est très complexe et le mécanisme de l'OPEP l'est davantage, » avait affirmé Bouterfa. Bien sûr, qu'« il n'y aura pas d'échec à Alger » ne serait-ce que parce que ses invités de «marque » auront discuté ensemble, autour d'une même table, même si certains d'entre eux couvent de profondes divergences de vues. Il est certain, donc sûr, que les (mêmes) choses seront (re)dites encore une fois clairement et peut-être d'une manière plus précise. L'Iran et l'Arabie Saoudite tenteront de recentrer les débats autour de ce qui les oppose et qui éloigne en évidence une réponse claire à la question de tous «comment stabiliser le marché.» Si le ministre iranien du pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, a affirmé juste, quelques heures, avant d'arriver à Alger et hier au CIC de Club des pins, que son pays veut revenir à son seuil de production d'avant les sanctions internationales qui lui ont été appliquées, pendant 40 ans, sur décision des Etats-Unis, le ministre saoudien, lui, rappelle que son pays est prêt à baisser sa production de 500 000 barils par jour. Réduire la production est une solution que l'Algérie a adopté, depuis longtemps, parce qu'elle pense que c'est la formule idoine pour absorber la surabondance de l'offre sur le marché mondial du pétrole.

Il faut avouer qu'elle a procédé à une baisse de 100.000 barils de sa production pour la maintenir à 1,1million par jour pour surtout des raisons de manque de moyens financiers qui lui facilitent l'exploration et l'exploitation de son potentiel en hydrocarbures. Mais que peut peser le 1 million de barils l'Algérie devant les 10 millions et plus que l'Arabie Saoudite injectent quotidiennement, dans le marché. C'est cette différence de quantités de l'un et de l'autre pays, au sein de l'OPEP qui force les bras de fer, celui entre Ryadh et Téhéran étant le plus dur.

«L'inadéquation» qui irrite Téhéran

L'Iran estime, selon ses gouvernants que la raison n'admet pas que l'Arabie Saoudite qui, de ses plus de 10 millions ne diminue que 500 000 barils/jour alors que lui veut rajouter un million pour n'atteindre qu'un peu plus de 4 millions de barils jour pour rattraper le temps perdu sous le joug des sanctions internationales. Cette inadéquation est mise en exergue à chaque fois que des pays comme l'Algérie ou la Russie veulent rapprocher les deux antagonistes. L'on dit que l'Iran a même dénoncé «le piège » dans lequel certains membres de l'OPEP voulaient le faire tomber, notamment après la rencontre restreinte de Genève, des dernières semaines, où il lui a été demandé de « faire un effort » en allégeant sa production pour permettre à la Libye et l'Irak de renforcer leurs capacités sur le marché parce qu'ils ont de graves crises à gérer. L'Iran se demande pourquoi c'est lui qui devrait faire cet effort et pas l'Arabie Saoudite qu'il a toujours accusée de faire le jeu des Américains et Israéliens et d'être même à l'origine de la dégringolade du prix du pétrole, depuis trois ans parce qu'il lui a été demandé de provoquer des crises aux économies « émergentes » pour préserver des raisons d'intérêts géostratégiques. Le ministre russe de l'Energie a, quant à lui, dit, hier à Alger, que c'est le marché qui déterminera la manière avec laquelle il doit être rééquilibré et que pour l'heure, il n'y a pas d'agenda précis à ce sujet. Moscou se dit disposé à «écouter et discuter avec l'OPEP.» Alexandre Novak annoncera, au passage que la grande commission mixte algéro-russe se réunira en décembre prochain. Toutes les déclarations d'hier ont versé vers la réunion de l'après-midi d'aujourd'hui. C'est dire qu'informelle ou pas, la réunion de l'OPEP a mis entre parenthèses celle de l'IEF.

Sellal reçoit le ministre iranien du Pétrole

En tout état de cause, si l'on doit évaluer l'impact de l'optimisme de Bouterfa, sur les premières heures de la rencontre d'Alger, on aura vu qu'un consensus est effectivement construit, autour de la nécessité de la stabilité du marché. Les ministres des pays membres de l'OPEP ne sont pas cependant, disposés à transformer, du moins jusqu'à hier soir, la réunion d'Alger en réunion extraordinaire comme Bouterfa l'avait souhaité. Elle aura en évidence, comme il l'a voulu aussi, des déterminants pour un éventuel accord en novembre prochain, à Vienne.

Ceci étant dit, l'Algérie continuera d'être plus optimiste que jamais et compte sur les bilatérales prévues durant ces quelques heures pour tenter de rapprocher les vues. Elle a déjà fait valoir sa diplomatie à travers les périples de Lamamra. La chaleureuse accolade avec le président iranien, Hassan Rohani, pourrait être un gage « d'amitié et de fraternité » qui pourrait permettre aux deux parties de se comprendre pour être comprises. Après son ouverture de l'IEF15, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal a reçu, hier, en premier, le ministre iranien du Pétrole, Bijane Zengana?

L'esprit algérien de la médiation nourrit la forte ambition de convaincre de la nécessité d'un accord pour «sauver les Nations». Novembre n'est pas loin mais d'ici-là, Alger aura peut-être franchi des pas intéressants, dans ce sens même, si la conjoncture ne distribue pas de bons points sans une contrepartie «géostratégique» d'envergure. L'Algérie l'a d'ailleurs, bien compris, particulièrement, depuis que «les printemps arabes» ont été enclenchés et que ses territoires ont été encerclés depuis, par les pires conflits qu'elle n'a jamais vécus depuis son indépendance.