Ce serait
une tâche inutile et doublement ennuyeuse que de prétendre éviter sans grands
efforts l'affaissement de la nation dans l'anomie et sa chute vertigineuse dans
l'illusion si l'on suivait encore d'en haut à ce rythme d'escargot ces
«pseudo-réformes» de notre système de gouvernance. Et que la société corsetée
dans sa rigidité hésite à traverser le nuage par manque d'injections d'audace.
Conjurer la sinistrose algérienne implique une appréhension non désolée de nos
maux et aussi une forte dose d'espérance. Ne dit-on pas, somme toute, que la
fin de l'espoir est le commencement de la mort?
Reprendre confiance en soi est la plus crédible des raisons d'espérer pour la
société algérienne, bien qu'il soit incontestablement bien établi par les faits
que c'est la compétence managériale qui joue un rôle de premier ordre dans la
résolution des crises. Certes, le courage de réformer est nécessaire mais n'en
reste pas moins insuffisant, car il nous faudra surtout mettre en œuvre «cette
ingénierie sociale et économique» de l'intelligentsia. Autrement dit, mobiliser
les cabinets d'études, les instituts de sondages, les centres de statistiques,
les laboratoires de recherches, etc., pour que l'on puisse s'approprier une
vision exhaustive et exacte sur la société. Cela est d'autant plus important
que l'exigence d'une stabilité économique au long cours est
devenue si vive. Et que celle-ci est à même d'amener, au moindre dérèglement du
marché économique mondial ou si elle n'est pas tout simplement satisfaite, de
graves conséquences sur la cohésion sociale. Or, livrées aux flux brutaux,
intempestifs et contrariés de la langue de bois, nos masses sont aujourd'hui
prisonnières de choix élitistes quasiment suicidaires faits sans leur
consentement, lesquels impactent directement leur vie quotidienne. Faire un
simple tour d'une ville de l'Algérie profonde nous renseigne sur ces
déséquilibres qui poussent au marasme : négligence du patrimoine historique,
non-respect des plans urbains et par les autorités et par les citoyens,
effacement des repères architecturaux, marchés mal-entretenus, quartiers
populaires défigurés par la surpopulation, anarchie dans les constructions
récentes, laideur des espaces verts, plages polluées, terres cultivables
laissées en friche, cités-dortoirs insalubres
côtoyant des centres commerciaux luxueux, etc. Bref, une série de symptômes
particulièrement décevants qui propulsent les problèmes du pays dans une tout
autre dimension : l'instabilité avec ses corollaires : la délinquance juvénile
; le banditisme ; les kidnappings ; l'insécurité, etc. La nomenklatura qui
renâcle jusque-là à l'idée du changement semble ignorer que tout en société est
lié et qu'il aurait fallu dès le départ épargner au maximum aux citoyens les
assauts grotesques de son enthousiasme hypocrite pour les jeux d'acrobatie démagogique! Affronter la réalité avec lucidité est le
premier devoir d'un responsable, quel que soit son rang. Cette incurie dans la
gestion ne mènera le bateau algérien que vers la noyade. Plions-nous alors de
manière clairvoyante à cet exercice rigoureux de l'éthique pour s'en sortir.