Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Guerre contre «Daech» ou l'ennemi intime des musulmans

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Pour répondre aux horreurs des attentats terroristes en Europe imputés à «Daech», les responsables politiques appellent, entre autres, à une «réforme de l'Islam». Comment ? Par qui ? Et puis, sous-entend-on que Daech est une invention des musulmans contre eux-mêmes?

Vaste et angoissante interrogation dans l'opinion publique occidentale, après les horreurs terroristes intervenues en France, Allemagne et Belgique, ces derniers mois: comment éradiquer, définitivement, le monstre ?Daech'? Interrogation reprise par les gouvernants occidentaux, avec une première hypothèse si loin de l'interrogation, elle-même, qu'elle s'apparente à une esquive politique plus qu'à une sincère volonté de mettre un terme à cette violence, se revendiquant d'un islam déformé, dévoyé dans lequel ne se reconnaissent pas la quasi-majorité des musulmans du monde: réformer l'Islam disent les politique. Par qui ? Comment? Dans quel sens ? Titanesque mission que celle de révolutionner un héritage spirituel et religieux vieux de 15 siècles marqué par de nombreux courants et écoles de pensée et de pratiques différentes. Passons. Selon cette hypothèse ?Daech' est donc une conséquence, une création de l'Islam, plus précisément de l'Islam sunnite. Autrement dit, ?Daech' survivra tant que l'Islam et les musulmans - accusés d'en être les promoteurs- n'auront pas fait leurs aggiornamentos: s'inventer un islam nouveau: par qui? Comment ? Pour se débarrasser définitivement, du monstre ?Daech, la logique voudrait que l'on remonte aux causes et raisons qui ont présidé à sa naissance, ensuite d'examiner, comme un bon médecin, les foyers épidémiologiques qui continuent de l'alimenter et d'aggraver la maladie qui le ronge et tue les autres. ?Daech' est né en 2011, année d'une grande épidémie de violences d'abord et exclusivement, à cheval entre la Syrie et l'Irak, après que des spasmes et soubresauts aient secoué le corps d'autres pays dits musulmans tels la Tunisie, la Libye, l'Egypte... que les Occidentaux ont qualifié du slogan «printemps arabe» ( sous-entendu évidemment arabe et musulman). Depuis les fleurs du printemps diffusent leur parfum enivrant de bonheur et de paix sur ces pays. Pour éradiquer ?Daech' et ses filiales, la bonne question est de s'interroger sur qui le fournit en armements, en logistique de guerre, en moyens de communication et bien sûr, en mercenaires tueurs. Jusqu'à preuve du contraire, les pays les plus meurtris par ?Daech', en l'occurrence la Syrie, l'Irak, la Libye ne fabriquent, ni ne produisent les armes dont dispose le monstre qui les tue. Jusqu'à preuve du contraire, le gros des troupes du monstre qui le rejoignent proviennent, d'abord de pays autres que les pays musulmans. Daech contrôle et vend des produit pétroliers de la Syrie et du nord de l'Irak: comment ? Qui lui achète ces produits et en quelle monnaie et dans quelle banque est-il crédité? Poser de telles questions n'est pas faire le jeu de la théorie du complot ou «complotiste». Car en la matière, le service après-vente assuré, gratuitement, par une majorité des médias occidentaux aux terroristes, se réclamant de ?Daech' est un cas d'école qui commence d'ailleurs à intéresser des chercheurs en communication et marketing politique: qu'un déséquilibré mental agresse une personne âgée, quelque part en Occident, et crie «Allah Akbar» et les médias de ces pays déploient leurs génie, à la promotion du monstre ?Daech': rappels des attentats, même vieux de 10 ans, interventions de spécialistes improvisés de la lutte antiterroriste et de l'Islam, déploiement de forces de sécurité impressionnant, surenchère politicienne entre les gouvernants de l'heure et les oppositions, appel à la vigilance citoyenne, etc.

S'ensuivent les traditionnels sondages des opinions qui accentuent les fractures culturelles et communautaires, dans des pays déjà en difficultés sociales... ?Daech' ne rêve pas d'autant de promotion ! S'il n'est pas question de douter ou de remettre en cause les révoltes arabes intervenues depuis 2011, leur légitimité et leur aspiration à la liberté et la démocratie, il est tout, aussi, légitime de s'interroger sur les récupérations, manipulations et autres «complots» montés sur le dos des révoltés des «printemps arabes». La tournure et l'évolution des situations en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen (censuré ces derniers temps par les médias, autant que le drame palestinien d'ailleurs) interpellent nos consciences et notre humanité: pourquoi : l ; le drame syrien dure-t-il et s'aggrave et pourquoi ?Daech', selon ces mêmes médias, survit à l'incroyable armada et puissance de feu déployées contre lui ? Pour tant de mystères et d'interrogations, pour le coup angoissantes pour tout le monde, faire croire que l'éradication du monstre ?Daech' dépend de la réforme de l'Islam s'apparente plus à une fuite en avant, de plus dangereuse parce qu'elle amalgame Islam et terrorisme alors même que la quasi-majorité des musulmans répètent et crient leur rejet de la violence, faite en leur nom et dont, rappelons-le, ils sont et de loin les premières victimes.

Certes, une réforme de l'Islam est une urgence à laquelle les savants et les intellectuels doivent s'atteler et certains le font déjà; mais lier la «survie» de ?Daech' et ses monstruosités à la réforme de l'Islam sonne comme un procès injuste et aveugle, intenté aux musulmans, alors qu'ils en sont, répétons-le, les premières victimes.