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Persister dans l'erreur, c'est être voué à la disparition

par Farouk Zahi

« La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s'attendre à un résultat différent » (A. Einstein).

Au détour d'une banale lecture, cette sentence nous a interpellés comme si son auteur, cet illustre savant de la moitié du siècle dernier, lisait dans nos consciences. Oui ! C'est une véritable folie que de persister dans une démarche où l'issue est aléatoire, pour ne pas dire oblitérée. Par ces temps de vache maigre, comme annoncée, aussi bien, par les experts que par ceux qui président aux destinées du pays, nous continuons, malheureusement, à jouer aux faux riches. Les exemples de gaspillage foisonnent jusqu'à atteindre la gabegie dans certains cas. Un chef-lieu de wilaya à la périphérie de la capitale, se permet le luxe de décaper et refaire le revêtement de la chaussée, pourtant bon, de l'entrée-est jusqu'à la sortie- ouest de l'agglomération, alors que sur les hauteurs, la voie qui longe le campus universitaire, pour se prolonger sur la bretelle, aboutissant à la voie rapide, est dans un état semblable à celui d'un chemin vicinal chahuté. Il est évident qu'il sera opposé au bon sens du profane, l'imparable argumentaire technique.

Les nouveaux marchés de proximité, doux euphémisme pour désigner des bâtisses paradoxalement excentrées par rapport au tissu urbain, geignent sous la chape d'un silence mortifère. Certainement à la recherche d'un mode de gestion qui tarde à venir, les maîtres d'œuvre ne jugent pas utile de préserver ce patrimoine du saccage. Annoncés, pompeusement, ces espaces commerciaux devaient venir en substitution aux étals sauvages qu'on a tenté d'éradiquer, par les « marchés parisiens », une lubie ministérielle qui a vécu. Connaîtront-ils le même sort réservé aux locaux du président ?

Pourquoi donc, ces implantations excentrées ? La réponse est dans l'absence d'assiette due essentiellement à la mauvaise gestion du domaine foncier qui a été livré à la curée, notamment, lors des turbulences des années 90' où la collectivité locale était livrée à des aventuriers de tous bords. Messianiques, certains, parmi, eux continuent à penser qu'ils ont sauvé la République du naufrage annoncé. Un prisme dont la vertu principale est d'être déformant. L'autre plaie qui ronge nos agglomérations urbaines est cette frénésie, qui fait que les supports et candélabres de l'éclairage public ne sont plus entretenus mais carrément changés au bout d'une durée de vie relativement éphémère. On en fait un usage unique. Nos rues et boulevards sont devenus un show-room pour les fabricants de ces articles. Un florilège de formes et de fioritures. La ?ville des roses', faute d'entretenir la fleur dont elle a hérité du nom, installe des supports surmontés d'une rose martiale peinturlurée. Quel déclin !

Les réfections des trottoirs sont passées à la normalité dans l'inconscient collectif. Eux, aussi, sont devenus objets de remise en cause dès qu'un nouveau modèle de dalle ou d'auto-blocant fait son apparition sur le marché des matériaux de construction. Il devient même impératif de procéder au réaménagement parce qu'il a été rajouté une couche à l'asphalte existant, rognant ainsi et de manière significative sur la hauteur du trottoir.

Une gabegie justifiant l'autre, on fait croire à l'administré que ses préoccupations quotidiennes sont entre de bonnes mains. Il est souvent observé cette manie d'installer une nacelle en plein flux circulant pour changer les luminaires grillés. En plus du désagrément causé, la dépense est décuplée par le fait que le réseau restera allumé jusqu'au terme de l'opération. Ne sera-t-il pas plus judicieux d'opérer à de tels travaux, la nuit tombée ? Il est de ces choses burlesques qu'il n'est nul besoin de rappeler, tant que le technicien se complait à se confiner à son seul bureau et que le conducteur de travaux agit en ses lieu et place. Sinon comment peut-on expliquer ces chantiers incongrus qui se signalent par un reste de buse ou tout autre objet hétéroclite ? Si le technicien est le véritable maître d'œuvre, il ne ferait pas peindre les bordures de trottoir et changer des luminaires, les jours de pluie, quand les prévisions météo sont, à présent, à portée de Smartphone.

Qu'en est-il, généralement, des visites officielles dites de travail et d'inspection que les membres du cabinet gouvernemental effectuent, régulièrement, dans différentes régions du pays. En dehors, pratiquement, de leur caractère spectaculaire, elles ne semblent pas aller au fond des choses. La presse rapporte souvent des doléances de populations auxquelles on a promis le règlement d'une problématique qui, en dépit du temps passé, depuis la promesse officielle, demeure encore pendante, sinon exacerbée. Il est évident qu'on pleine euphorie festive avec baroud et troupes folkloriques à la clé, on oublie souvent que les attentes sont autrement plus pressantes que seule l'hospitalité légendaire des profondeurs, ajournera le temps d'une visite. A ce titre, les dépenses directes et indirectes induites, lors de ces visites, peuvent être, dans un ordre de grandeur inimaginable au regard du bénéfice produit.

Les interminables cortèges faits de véhicules rutilants à consommation de carburant majoré, les personnels mobilisés, les services de sécurité en état d'alerte et toute une procession d'élus concernés ou non, constituent une ligne de dépense qu'il faut bien, un jour ou l'autre, calculer.

Jusqu'à l'heure, cette évaluation ne peut procéder que du forfait. Il est évident que la restauration en ces occasions, n'est assurément pas frugale. Ces visites s'achèvent, généralement, par une réunion- meeting où la décision n'est, presque, jamais adossée à l'avis technique, mais prise sous la pression des forces en présence. Est-il, encore, possible à un ministre de la République de décider, au pied levé, de l'érection d'une structure d'enseignement supérieur ou de santé, de haut niveau sans en appeler à l'expertise avisée des gens de l'art ? Nous devons être l'un des rares pays, sinon le seul à ouvrir une faculté pour moins de deux cents étudiants. Décidément, le volontarisme révolutionnaire n'arrêtera pas de surprendre de sitôt.

En dehors du dividende politique que tire un membre du gouvernement qui, le plus souvent, ne fait que représenter sa chapelle partisane, il est fort probable que sa substitution par un ou deux directeurs centraux aura les mêmes retombées si ce n'est plus sur le plan opérationnel.

Il n'est pas rare que des ministres soient déjugés par leur propre administration centrale ; tatillonne et frileuse, on n'entre pas par effraction dans son territoire d'évolution. Faut-il persister dans cette voie presque sans issue ?

On parle d'une dépense publique globale de 800 milliards de dollars Us, sur un peu plus de 2 plans quinquennaux.

A-t-on pour autant répondu, aux besoins les plus incompressibles en matière de routes, d'eau potable, d'habitat, de santé et d'éducation ? Sans verser dans le négativisme primaire par idéologie ou par simple caprice, il faut reconnaître que non ! Il faut et sans tarder se remettre en cause ou du moins changer d'approche. Sortir de l'ornière n'est moins rien qu'un changement radical de comportement. L'habitude dans le contexte est devenue, plus que jamais, une seconde nature dans laquelle tout le monde se vautre.

Il faut faire avec les trois dimensions, le regard dirigé vers une seule et unique direction, est, d'une manière sensorielle et physique, biaisé. Il est urgent de se débarrasser de ces comportements de familiarité qui aboutissent à des effusions émotionnelles rituelles, sous l'objectif d'une caméra implacable. L'arithmétique est cette science mathématique qui ne laisse rien au hasard. Sans état d'âme, elle allie lucidité et impartialité : deux facteurs essentiels à la prévoyance. Aux dernières nouvelles, nullement réjouissantes, le gaspillage des ménages au cours du Ramadhan, s'élèverait à 500 milliards. Le rebut de pain, quant à lui, serait évalué à 100 millions d'unités. Qui fait mieux !