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Boumerdès: Les zones franches en débat

par O. M.

Après deux tentatives sans lendemain, l'une en 1990 et la seconde en 2000, pour la création de zones franches en Algérie, échecs que les experts locaux attribuent surtout à la situation sécuritaire qui prévalait à l'époque, le sujet des zones franches a été décortiqué en long et en large, à l'occasion du 5e Séminaire international organisé par la faculté des sciences économiques, commerciales et des sciences de gestion de l'Université de Boumerdès, associant le Laboratoire performance des entreprises algériennes autour du thème «Les investissements directs étrangers (IDE) et l'avenir des zones franches industrielles d'exportations».

Durant deux jours, experts et spécialistes qui se sont penchés sur le sujet sont restés partagés quant à l'opportunité de lancement de zones franches. Si certains positivent l'impact sur l'économie nationale caractérisé par une courbe des prix de pétrole qui tire vers le bas, d'autres jugent que l'Algérie n'a pas besoin dans l'immédiat de se lancer dans une nouvelle ?aventure'. Plus explicite, l'expert international, Malek Serraï, reste partagé argumentant que « l'Algérie a retrouvé sa stabilité qui a fait défaut durant une décennie, et la création de zones franches ne rentre pas aujourd'hui dans la stratégie du pays. On s'oriente plus et sereinement vers la mise en valeur des ressources naturelles du sud», et d'ajouter que le potentiel national est énorme, à nous d'en tirer le maximum, au moment où M. Ali Bey Nacer, président de l'Association des exportateurs algériens, dira que « l'annulation de la décision de création des zones franches a été une décision autoritaire et bureaucratique».

S'inscrivant en faux, il ajoutera : «Les zones franches sont un concept pour permettre au pays de s'inscrire dans une échelle des valeurs mondiale», avant de s'interroger si «l'Algérie est-elle prête et le pays est-il attractif» ? Autant d'interrogations que même les experts étrangers ont recensées.

Une spécialiste française de l'université de la Sorbonne, à travers les expériences mauriciennes et dominicaines, préconise la création de zones franches industrielles comme un des moyens pour redynamiser l'économie, ces deux îles à sucre sans ressources, enregistrant durant les années 69 et 70 une croissance démographique rapide et un taux de chômage alarmant, se sont ouvertes grâce aux zones franches sous-traitant pour certaines «griffes» internationales du textile, ont pu durant les premières années dégager pour l'île Maurice 90.000 postes d'emplois et 200.000 pour la Dominique, surtout que ces pays à vocation agricole n'avaient pas de main-d'œuvre spécialisée, mais la déception est venue des concessions minières (sur 30 ans) qui n'ont pas répondu à l'attente des 'îliens', le secteur minier étant mécanisé, il n'a généré que très peu d'emplois. Autre cas de figure abordé par le Dr Claude Gilberts: «s'agissant des zones franches urbaines (ZFU), même la Corse (région ayant connu des instabilités) a vu la création de la zone franche globale (ZFG) mais là aussi, dira l'expert en zones franches, malgré les allègements de charges, les bénéfices restent très controversés dus notamment au manque d'outils de mesures et d'indicateurs directs sur l'impact local.

Reste les indices synthétiques comme le chômage et le professionnalisme de la main-d'œuvre argument de réussite balancé par les exploitants». Autre approche, «les zones de revitalisation rurale qui doivent répondre là aussi à des paramètres spécifiques à chaque région, mais pas souvent claires», relève encore l'intervenant. Autre communication, «le rôle des zone franches pour attirer les IDE», citant les Emirats arabes unis, les docteurs Samia Fekir de Boumerdès, Saïd Rahim et Lilia Ouazzani de Bouira ont parlé de réussite pour ce petit Etat du Golfe et voient en la création de ce type de plateforme une alternative pour redynamiser l'industrie, augmenter et diversifier les exportations du pays et moderniser son économie.

Estimant qu'une zone franche est un espace géographique présentant des avantages fiscaux afin d'attirer l'investissement et de développer l'activité économique dans l'objectif d'exporter. Autrement dit, les entreprises qui s'y installent bénéficient d'un environnement fiscal et réglementaire plus favorable que celui en vigueur aujourd'hui.

Pour cela, «il suffit juste d'adapter les textes aux spécificités du contexte algérien», car li faut reconnaître que l'Algérie a été parmi les premiers pays à adopter le système des zones franches industrielles et une réglementation des changes spécifiques à ces zones franches, mais la tentative a échoué depuis. L'expert Abderahmane Benhamma de l'université Paris-Sorbonne, parlera sur «le régime juridique des IDE en Algérie en quête d'une mutation inachevée». Pour sa part, le Dr Nadia Hacene recadre l'approche en avançant «la nécessité d'un cadre juridique pour créer une zone franche», soit une autre manière d'éviter de mettre la charrue avant les bœufs, sommes-nous tentés de dire.

Après deux journées pleines, on recommande la création de ces zones en attirant et orientant l'investissement vers des secteurs d'activités où l'Algérie offre des opportunités, tels l'agroalimentaire, les matériaux de construction et l'industrie pharmaceutique, estimant que ces zones franches présentent plusieurs avantages pour l'économie nationale, entre autres, le transfert de technologie et la création d'un nombre important de postes d'emploi, en raison des charges fiscales allégées.

Enfin, sur l'opportunité de ces rencontres, le président de ce 5e Séminaire international, le Dr Hamid Chachoua, dira : «Aujourd'hui, de nombreux pays s'appuient sur l'investissement étranger direct (IDE) afin de développer leurs économies locales respectives par l'accroissement du niveau d'investissement industriel et la participation aux chaînes des valeurs mondiales, en offrant un climat d'affaires propice et attractif en créant des zones franches industrielles d'exportation, qui sont considérées comme des zones économiques d'excellence, et qui procurent une position concurrentielle mondiale due essentiellement à leurs infrastructures de base innovantes et d'un système de gestion efficace. Ces zones facilitent la transition graduelle d'une économie dirigée vers une économie libérale».