Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le vote des extrêmes: L'Europe, ce grand corps malade

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

A Chaque échéance électorale à quelque niveau que ce soit, l'Europe exprime un message de désespoir en se réfugiant dans les votes extrêmes et durs. Le rêve européen s'est éteint et laisse place à un avenir incertain.

Faut-il désespérer de l'Europe? La victoire sur le fil à l'élection présidentielle, en Autriche, du candidat écologiste Alexander Van Bellen, sur celui de l'extrême droite, Norbert Hofer, avec une différence de 30.000 voix est un signe supplémentaire qui confirme la lente agonie de l'idéal européen, celui d'une Europe sociale et démocratique, revendiquée par les fondateurs du projet européen, voilà plus de 60 ans.

Depuis la crise financière occidentale de 2008, l'Europe voit s'installer, à différents niveaux de pouvoirs, conservateurs, nationalistes, souverainistes et autres partis d'extrême droite. Même les pays du nord européen, réputés longtemps pour leur modernité progressiste et leur tolérance démocratique, tels le Danemark, la Suède ou les Pays-Bas ne sont pas épargnés par la vague nationaliste et conservatrice. Ailleurs, en Grande- Bretagne les eurosceptiques imposent un débat vif et violent pour pousser au divorce avec la famille de l'Union européenne lors du référendum populaire, prévu pour le 23 juin. En France, tous les sondages donnent le Front National vainqueur du 1er tour de l'élection présidentielle d'avril 2017. Le retour des souverainistes et partis conservateurs, dans les pays de l'Europe de l'Est, tels la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie accentue la fracture politique, au sein de l'Union européenne. Les pays du Sud comme l'Espagne, la Grèce, le Portugal, les premiers à avoir subi l'onde de choc de la crise financière de 2008, naviguent dans le sens contraire du reste de l'Europe en misant sur les partis populaires de gauche, nés de mouvements citoyens, en plein milieu de la crise économique et financière. Tout cela fait désordre, au sein de l'UE, affaiblit son poids politique et accentue le risque réel de son délitement, voire de son éclatement politique et institutionnel. Les appels désespérés de ses leaders, notamment ceux présidant aux Institutions communautaires, à Bruxelles, pour redonner vie au projet européen ou du moins maintenir la cohésion et la discipline dans la « maison » commune, sonnent comme des aveux d'impuissance, comme les râles d'un grand corps malade, au bord de l'agonie. Les peuples européens y croient, de moins en moins, dans l'idéal humaniste et prometteur de paix définitive, pour leur avenir. Comment pourrait-il en être autrement lorsque cette Europe démocratique, humaniste, promotrice de la paix s'engage, de plus en plus, depuis précisément la crise financière de 2008, dans la guerre sur plusieurs fronts, dans son propre environnement géostratégique, relance son industrie de l'armement et élève des murs et des frontières de barbelés, à l'intérieur de ses frontières, entre elle- même et contre elle-même. Sidérant d'entendre les leaders européens accuser la Russie et les forces loyales de Bachar El-Assad, d'être les seuls à massacrer les civils en Syrie. Comme si l'armada aérienne occidentale ne visait, dans ses bombardements, que les militaires d'El-Assad! L'Europe est en train de s'enfoncer dans une logique impérialiste dont elle s'est crue débarrassée depuis plus de 50 ans. La sincérité affichée et l'argumentaire des discours des leaders européens aux pouvoirs pour justifier le retour à la guerre et à l'affrontement, ne peuvent être interprétés que comme de la démagogie et de l'hypocrisie politique par ses citoyens.

Que reste-t-il à ces derniers pour exprimer leur ras-le-bol et leur rejet de ces politiques menées par les partis traditionnels dit démocratiques? Le vote des extrêmes. Au Nord de l'Europe l'extrême droite et au Sud, la gauche populaire. La double fracture gouvernants-peuples et pays du sud et du nord de l'Europe n'incite pas à l'optimisme pour un avenir commun européen. Le constat est implacable, indiscutable: l'Europe a régressé, s'est affaiblie et s'entête dans une logique destructrice et suicidaire. Elle ne pèse plus rien dans le jeu diplomatique international ,dans lequel Russes et Américains se partagent les premiers rôles et lui redonnent un nouvel air de guerre froide.