A quoi rime le travail si ce n'est à l'apprentissage
méthodique de la joie? Un bonheur exquis de compter
sur soi, d'être autonome, de servir à quelque chose, dans la vie, d'être utile
à sa famille, la société, la nation, etc. Bien plus qu'un sport pour la santé,
le travail est le nerf de la guerre. Car s'il l'on est désœuvré et désargenté,
tout devient problématique : se déplacer, avoir un toit, se nourrir, fonder un
foyer, etc. Or en Algérie, l'horloge mentale de nos citoyens marche à l'envers
et ses aiguilles slaloment, en fonction des labyrinthes de l'absurde étatique
et des ivresses chroniques de «s'hab chekara» (les rentiers). C'est pourquoi, il n'y a point
d'idéologie positive (pragmatisme et productivité) qui tienne, sauf les
retombées fatales du virus du mur, du marché noir de la devise, des comptoirs
des cafés et de l'arnaque de l'ANSEJ ! Une idéologie de substitution «pythonique», régnant, hélas, en maître incontesté, dans «la
cartographie des zones de préférences» de notre jeunesse égarée. Et ce n'est
pas du tout un hasard si un chômeur s'appelle dans le dialectal local un «hittiste». Être hittiste, c'est
regarder le monde bouger, tout en fixant les yeux sur son nombril. C'est le
non-mouvement, la vieillesse de l'âme, la décrépitude et le fait de se sentir,
déjà fatigué, en se rasant le matin. Ainsi le mur se transforme-t-il en «lieu
de recueillement», aussi bien, pour le jeune que pour le vieux. Un fantasme que
cette rente maudite du pétrole, ayant déjà anesthésié tout désir de mobilité,
chez les nôtres, a pu raffermir. Passés à la trappe et devenus casaniers, nos
jeunes ne font, alors, que se gaver des mensonges de leurs responsables, afin
de ne plus sortir de leur torpeur. Combien c'est confortable de nager dans l'illusion! Le problème, c'est qu'ils (nos jeunes) cherchent
la réponse à leurs soucis, ailleurs, qu'en eux-mêmes, vivant l'instant présent
par procuration et soumettant leur volonté au diktat de la fainéantise,
l'indiscipline, l'indifférence et la mal-gérance des gérontocrates! Que
s'est-il passé pour qu'ils en arrivent là? Une dame
d'un âge avancé m'aurait expliqué, il y a peu de temps, que « le ré-étalonnage de l'échelle de nos valeurs » à la négative y
est pour beaucoup. Par exemple un prof, à l'école, me dit-elle, n'inspire plus
du respect comme avant. En dehors de l'espace éducatif où il exerce, il est
considéré par ses propres élèves comme un raté qui gravite dans un état
intermédiaire, entre la précarité et l'anomalie sociale. Aucun élève ne le fuit
ni le craint. D'autant que, désarmé qu'il est par un quotidien pathétique,
celui-ci est rabaissé « symboliquement », dans son milieu social et n'a presque
aucun poids devant ces gens, souvent «incultes» qui s'en remplissent,
rapidement, les poches par la corruption. Morte d'ennui, transie par
l'inculture et gagnée, aussi bien par l'ingratitude que par le charme factice
du matérialisme, notre société aurait passé outre ses missions primordiales
(l'éducation, le respect du savoir, l'exigence de la moralité, etc.,) et
consommé son délai de péremption. Pourtant précieux, le temps n'a plus aucune
importance et la culture aucune place. Or le temps, c'est de l'argent et à ceux
qui disaient que l'école n'est pas rentable pour la société, Abraham Lincoln
(1809-1865) avait coutume de répondre : « Eh ben!
Essayez messieurs l'ignorance ».