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Aucune garantie contre la tentation autoritariste

par Kharroubi Habib

Devant la commission parlementaire conjointe, Abdelmalek Sellal a soutenu qu'avec le projet de révision de la Constitution qui est soumis ce jour dimanche au vote du Parlement « l'Algérie amorce un tournant historique ». A l'en croire, la révision constitutionnelle consacre l'élargissement des droits et libertés du citoyen, va ancrer la démocratie pluraliste, conforter les fondements de l'Etat de droit et consolider l'indépendance de la justice dans notre pays.

L'on ne pouvait attendre du Premier ministre de Bouteflika une autre présentation d'un texte dont le contenu est loin d'avoir fait consensus tant au sein de l'opinion publique que dans la classe politique. S'il est vrai que le projet de révision constitutionnelle encensé par Abdelmalek Sellal a enrichi la loi fondamentale du pays d'amendements et articles augurant d'une ère moins antidémocratique et liberticide, son adoption ne mettra certainement pas fin à la tentation qu'aura le pouvoir qui l'a consenti, forcé et contraint, d'en détourner l'esprit et d'en dévoyer les concessions de cette nature.

Cette tentation et malgré les promesses rassurantes faites par le Premier ministre trouvera à se manifester dans l'opération de mise en adéquation des textes de loi régissant présentement la vie publique et que le gouvernement instruit par le chef de l'Etat a déjà débutée. Sellal a promis qu'il sera tenu compte des avis et propositions qui émaneront de l'opposition. Ce qui ne garantit nullement qu'au final les textes d'application qui vont être établis rendront effectifs les progrès et avancées censés rendus irréversibles que comporte le projet de révision. Du Parlement et du Conseil constitutionnel en exercice qui vont avoir la charge d'en vérifier la conformité avec la nouvelle Constitution, il ne faut pas attendre qu'ils fassent obstacle à cette tentation du pouvoir de reprendre d'une main ce qu'il a lâché tactiquement de l'autre. Si telle n'est pas l'intention du pouvoir, il aurait pu en faire la preuve en faisant rédiger les amendements et articles les plus sensibles à propos de la démocratie, des droits et libertés en des termes tels qu'il n'aurait pas été nécessaire de recourir à des textes d'application. Au lieu de cela, il s'est contenté d'une formulation de principes dont il a soumis la concrétisation à des textes d'application à concevoir par l'administration sous sa coupe.

De quelle « indépendance » par exemple sera dotée la commission électorale constitutionnellement prévue et jusqu'où ira le respect du droit à manifester reconnu aux citoyens et acteurs politiques et sociaux ? Il est clair que c'est cette administration qui va en décider à travers les textes d'application dont elle est chargée et ne fait pas de douter qu'elle s'ingéniera à en restreindre les étendues.

Sauf à être démenti par ce qui se produira après l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, l'on ne peut que soutenir qu'il n'est pas dans l'intention du pouvoir de projeter l'Algérie dans la démocratie, les libertés et l'Etat de droit, mais d'avoir usé du stratagème d'une équivoque révision constitutionnelle qui donne le change et l'illusion qu'elle s'y achemine alors que fondamentalement tout reste en l'état dans le système politique du pays.