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Algérie-France : Que cache la fouille au corps de Grine ?

par Ghania Oukazi

«Si les autorités françaises agissent de la sorte c'est qu'elles veulent nous montrer quelque chose qui ne leur plaît pas».

C'est le propos qu'a eu un haut responsable politique algérien, transfuge du corps de la diplomatie, pour résumer l'attitude inconcevable qu'ont eu la semaine dernière, les éléments de la police française des frontières envers le ministre algérien de la Communication au moment de sa sortie du territoire français. Attitude qui, faut-il le souligner, n'a rien d'une erreur ni ne répond aux exigences d'un quelconque règlement aéroportuaire, notamment quand les éléments de cette fouille avouent qu'ils ont reçu des instructions pour le faire. Les usages diplomatiques universels sont clairs et se conforment au mieux et au pire à la réciprocité. Pourtant, les autorités françaises qui viennent en Algérie ne se sont jamais inquiétées pour ce qui est de l'accueil qui leur est réservé et ce quel que soit leur rang. Il faut rappeler que la police française des frontières n'est pas à sa première fouille au corps de responsables algériens. Elle reconduit le procédé à chaque fois qu'elle veut embêter les décideurs algériens. Elle le fait pour la troisième fois après qu'elle y ait soumis, il y a quelques temps, Mourad Medelci, et après lui, Abdelhamid Temmar. Ces épisodes de la fouille au corps de personnalités algériennes en fonction par la police française des frontières, ressemble étrangement à celui que cette même police avait adapté en août 2008 pour procéder à l'arrestation de Mohamed Ziane Hasseni, alors diplomate en fonction, directeur du protocole d'un ministère de souveraineté qui est celui des Affaires étrangères. L'affaire avait mis mal en point les autorités algériennes. Alger avait beau rouspéter mais en vain. Le diplomate algérien avait été gardé en prison pendant près de deux ans.

PARIS N'EST PAS A SA PREMIERE BAVURE

Hasseni a été arrêté sur le tarmac de l'aérodrome de Marseille à sa descente d'avion en provenance d'Alger. Son arrestation ne répondait à aucun règlement, encore moins celui consacré aux statuts diplomatiques. Elle a été d'ailleurs jugée illégale par les hommes de loi puisque la police française n'a pas respecté l'immunité diplomatique dont jouissait Hasseni à l'époque. Paris n'est donc pas à sa première bavure en matière de respect à l'égard d'Alger. Seulement, il est important de noter que Hasseni avait été arrêté à un moment où les décideurs algériens avaient déclaré qu'ils se devaient de diversifier les partenaires économiques de l'Algérie. Alger avait fait alors payer cher ce manque de tact de Paris. La loi de finances de 2009 consacrera des dispositions qui créeront la panique au sein des milieux d'affaires français en quête de marchés juteux en Algérie. L'onde de choc de ces dispositions atteindra jusqu'au port de Marseille où les exportateurs français ont été en ébullition.

Ces décisions et leurs effets n'ont en toute évidence pas été du goût de la France qui pense depuis toujours que l'Algérie est sa chasse gardée. Les Français savent que les Algériens nourrissent une jalousie morbide à l'égard de leur souveraineté nationale même si le pays regorge encore de «nationaux» pro-français jaloux eux, des intérêts de la France comme l'ont été ceux que l'histoire a classés, à la veille de l'indépendance, dans la terrible «promotion Lacoste.»

Il y a quelques jours, c'était un communiqué signé par plusieurs ministres français qui affirmaient compter l'Algérie parmi les pays où se trouvaient des militaires de leur pays. En faisant semblant de se rétracter et qualifier cette affirmation «d'erreur», les autorités françaises ont rajouté une bourde à un aveu jugé «grave» par des politiques algériens. Les «erreurs» françaises à l'égard de l'Algérie sont aujourd'hui «commises» pour rythmer une relation dont l'état s'effrite depuis quelques mois. L'on rappelle, de sources proches des plus hautes autorités algériennes, que «la France n'a pas admis que l'Algérie ouvre son ciel à des pays étrangers pour investir l'Afrique».

DES DRONES AMERICAINS EN SURVOL DE L'ALGERIE

Un journal espagnol a publié, il y a près de trois mois, que l'Algérie a donné son accord pour que des drones américains survolent ses territoires pour contrôler les régions de la bande du Sahel «et même plus loin.»

«C'est certainement cette information qui fait agiter la France qui veut, par des procédés maladroits, faire payer cela à l'Algérie,» nous dit un diplomate de carrière. Paris, faut-il le noter, avait bien avoué officiellement et publiquement qu'Alger lui avait permis de survoler ses territoires pour intervenir au Mali. Une déclaration démentie par l'Algérie sans trop convaincre grand monde. Le passage des drones américains par l'Algérie pour surveiller l'Afrique, un continent où les intérêts français de toute nature sont colossaux ne peut, cependant, laisser les autorités françaises insensibles.

La gestion du dossier sécuritaire semble redessiner tous les schémas nationaux de protection des territoires. Le transfert de missions importantes du DRS vers le MDN, et celui très récent, de la Gendarmerie nationale vers la DGSN (direction générale de la Sûreté nationale) n'a rien de commun. Il doit certainement répondre à des impératifs de sécurisation des territoires, notamment au niveau des frontières que seul l'état-major de l'armée a prérogative constitutionnelle d'assurer. Le contrôle de pays voisins à l'Algérie et de leurs frontières par des puissances étrangères notamment les Etats-Unis, la France, obligent les services de sécurité algérien à collaborer sans avoir trop le choix. L'affaire Tiguentourine est toujours présente dans les esprits pour «mettre le doigt sur la plaie », comme l'avait si bien dit l'ambassadeur américain Eshneir, alors en poste quand la prise d'otages a eu lieu au niveau du complexe gazier d'In Amenas.