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Le Général Mezrag

par Kamel Daoud

Ce n'est pas une chronique savante, mais de niveau «café» : l'affaire Mezrag, la «personnalité nationale» consultée par Ouyahia sur la Constitution et reçue en kamis et thé et sourire. L'Emir gâté de la décennie 90 vient de faire des déclarations incendiaires sur une chaîne TV. Cela tourne en boucle dans les têtes et dans internet. Il y pose des défis, insulte, menace et met en demeure. Le vieux langage des islamistes quand ils se sentent forts, armés ou en meute. Ce qui a été dit est plus grave que ce qu'a dit le Général Benhadid en public. Sauf que, assis face à son café, dans son village, on ne comprend pas ce qui frappe comme gifle le visage du pensif : pourquoi l'Emir gâté n'a pas été arrêté et le Général l'a été avec une escouade, des descentes et une mise en scène de cinéma boollywoodien ? Pourquoi on accuse l'un d'atteinte au moral des troupes et on permet à l'autre de cracher au visage d'un pays et de houspiller avec son bâton toute une présidence ?

La question est posée avec des mots simples et sans fioritures : est-ce qu'un Emir gâté fait plus peur qu'un Général désarmé ? Ou est-ce que Mezrag est au-dessus de la République même quand elle est couscoussière ? Le ministre de la Justice a bien dit que la justice va punir tous ceux qui oseront faire des déclarations graves : alors où est passé ce ministre et est-ce que son téléphone est éteint ? Les gendarmes qui ont arrêté le Général ont bien dit qu'ils ont reçu des « ordres ». Pourquoi on ne donne pas des ordres pareils pour ce « terroriste » momentanément repenti ? Pourquoi on convoque un journaliste qui a donné la parole à ce parrain du crime et qui a avoué avoir tué un militaire, et pas le parrain lui-même ? Pourquoi ce régime a autant peur des islamistes et pourquoi il les ménage autant ?

Saadani, le régent du FLN, a bien dit qu'on veut bâtir un Etat civil ? Le peuple du « café » est d'accord. Mais civil veut dire non-militaire mais aussi non-terroriste. Alors pourquoi le FLN qui soutient son Président, par le bras et le bus, ne le défend pas contre une lettre de menace directe à la télé ?

Mezrag sait bien que le vent est pour lui, que le régime a peur de lui. Il sait que c'est le pays du « bras » pas de la loi. C'est pour cela qu'il se moque de la loi : on aura beau dire qu'il ne peut pas avoir d'agrément pour son parti, il a un parti et il se réunit quand il veut, en forêt ou dans votre cuisine. C'est cela la réalité, pas les explications tièdes de l'actuel ministre de l'Intérieur. Mezrag sait que le régime ne peut pas tout faire au nom de la « Réconciliation » mais qu'au nom de la « Réconciliation » Mezrag peut tout oser. L'Emir n'a jamais renoncé à son Califat Attendu. Nous avons le Temps, mais son genre croit qu'il a l'éternité. La solution par « l'assimilation » est donc est un lent leurre : le bonhomme démontre que dès que son vis-à-vis faiblit ou s'occupe ailleurs, lui il attaque, montre sa nature et menace.

La question, niveau « café » est très simple : qui osera arrêter le Général Mezrag ?