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La crise chinoise contraint Ryadh à réviser sa politique pétrolière

par Kharroubi Habib

Contre toute attente, jeudi, les cours de l'or noir ont fait un fulgurant et spectaculaire rebond en remontant à près de 50 dollars alors qu'ils frôlaient la veille les 40 dollars et que pessimistes les experts et analystes prédisaient qu'ils allaient descendre encore plus bas conséquemment aux inquiétudes nées des mauvaise nouvelles ayant trait à la situation de l'économie chinoise dont la croissance s'est fortement rétractée.

Pour expliquer ce paradoxe qui les a pris de court, les experts et analystes avancent que le spectaculaire redressement de jeudi des prix pétroliers est pour l'essentiel dû au fait que les marchés ont eu connaissance que les stocks américains de pétrole seraient plus bas que pronostiqués et qu'il a été procédé à une révision à la hausse de la croissance aux Etats-Unis. Il n'en reste pas moins que l'embellie qu'ont connue ce jeudi les cours du pétrole ne signifie nullement qu'elle serait le signe d'un renversement de tendance, pas même que leur chute est définitivement enrayée. Les pays producteurs et exportateurs qui pâtissent le plus gravement de l'effondrement subi par les cours de la matière première qui leur procure leurs rentrées financières sont de ce fait loin d'avoir été rassurés par le rebond de ces prix qui s'est produit jeudi.

Les plus impactés d'entre eux par la baisse des cours dont l'Algérie notamment s'activent à susciter la prise de conscience qu'il faut que les pays exportateurs de pétrole agissent en commun pour stopper la dégringolade des prix. Ils ont jusqu'alors plaidé en vain pour une telle stratégie car en butte aux égoïsmes des intérêts respectifs et des calculs de certains d'entre ces pays exportateurs. Il semble toutefois que confrontés à la dure réalité d'un effondrement des cours dont ils ont sous-estimé la gravité des conséquences pour leurs finances et équilibres budgétaires, ces pays conviennent eux-mêmes maintenant que le club des Etats exportateurs doit réagir solidairement pour enrayer la descente aux enfers sur les marchés pétroliers.

C'est ainsi que l'Arabie saoudite qui opposait un veto aussi ferme que dissuasif aux initiatives ayant cherché à provoquer une réaction commune des pays exportateurs, ne serait plus opposée à une concertation entre ces derniers. Ce qui a conduit l'Algérie, le Venezuela et l'Iran à relancer la proposition d'une réunion de l'OPEP élargie à des pays producteurs non membres dont la Russie, l'un des principaux exportateurs mondiaux d'or noir.

L'Arabie saoudite dont la politique pétrolière a contribué à aggraver la déprime et la chute des prix de l'or noir semble s'être ravisée dans l'évaluation du coût pour elle qu'a cette situation, et cela au constat qu'elle s'est complètement trompée en pensant que le laisser-faire qu'elle a défendu lui permettrait de conserver ses parts de marché en même temps qu'il occasionnerait l'arrêt de la montée en puissance de l'exploitation du gaz de schiste en Amérique devenue une menace pour ses intérêts de plus grande puissance productrice et exportatrice de pétrole.

Pour aussi confiants que l'on a été à Ryadh sur les capacités du royaume le mettant à l'abri de situation du genre que connaissent les pays exportateurs aux finances moins insolemment florissantes que la sienne, il se révèle là aussi que la dégringolade des cours pétroliers entame tout aussi dangereusement ces capacités. Et les Saoudiens s'en inquiètent d'autant que l'Amérique continue à produire tout aussi intensivement du gaz de schiste et que la crise chinoise menace de déséquilibrer encore plus fortement le rapport entre l'offre et la demande sur les marchés pétroliers. Si la crise chinoise peut avoir un seul impact « positif », ce sera celui d'enlever à l'Arabie saoudite l'illusion qu'elle peut faire sans risque pour elle toute politique pétrolière qu'elle veut.