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Les neurosciences en acquisition-apprentissage scolaire de la langue - Une affaire de psychologie cognitive et non de sociologie

par Nacira Zellal*

Des articles de presse parus ces derniers jours ressortent deux angles d'attaque de la question sur la «daridja au primaire». Une précision préalable, question qui demeure posée, s'impose d'entrée de jeu : «daridja» étant un adjectif signifiant «familier, usité», il est déjà nécessaire de savoir s'il s'agit du français «usité» ou de l'arabe «familier», car le langage parlé d'aujourd'hui contient plus de mots en français que de mots en arabe.

L'angle d'attaque de cette question, qui est subitement devenue une « problématique », est alors soit sociologique, propre à l'ensemble des articles médiatiques de ceux qui, (tenants de la sociologie de l'éducation, de la sociolinguistique et de la psychologie sociale), prônent le « ré-enseignement »(après son acquisition), de l'arabe « daridja » ; soit cognitiviste, angle d'attaque, sans nul doute, consciemment ignoré, puisqu'il argumente le contraire (articles des 02 juillet dans El Watan et du 03 juillet dans le Quotidien d'Oran).

Dans le point de vue des sociologues, l'argumentation scientifique fait défaut, puisque, arguer d'un traumatisme provoqué chez l'enfant par le simple contact du neuf à l'école (ou, pire, nous rappeler qu'il faut « adorer, défendre vigoureusement et respecter » nos « valeurs ancestrales portées par nos dialectes »), n'est pas scientifique, car ce double propos est dépourvu d'une démonstration qui soit confortée par une étude comparée. Celle-ci lèverait tout doute, puisque la pédagogie universelle, basée sur de la théorie, a fait ses preuves en pays développés. Ce n'est pas le cas de la pédagogie locale, spécifique, basée sur la notion de « soutien de l'écrit par l'oral », véritable supercherie, dont viennent de se rendre compte les parents et qui a mené à l'échec de notre école. Ce constat est d'ailleurs partagé par tous les pédagogues algériens, y compris par des décideurs.

Outre le fait que l'amour maternel ne s'enseigne pas à l'école et que toutes les valeurs d'attachement au pays, relèvent des contenus d'enseignement de l'Histoire (à confier donc aux historiens), il faut rappeler, par souci d'objectivité, que les tests d'affectivité sont là pour mesurer et caractériser de façon scientifique l'existence de cet éventuel « psycho-trauma » et que le statut des deux termes de la dichotomie langage (l'oral, l'usage du dialecte)/langue (l'écrit, le maniement du texte dans ses deux règles, cohérence et cohésion), a été assez largement expliqué par les linguistes.

L'UNESCO, qui encourage l'enseignement de la langue maternelle à l'école, mais juste pour les enfants des pays postcoloniaux, ne ferait pas, selon certains sociologues, la distinction entre ces deux termes (langage et langue). Pourquoi donc ? N'y aurait-il donc pas de linguistes parmi ses experts? À ce titre, il faut surtout éviter le mélange du sens des concepts et se référer aux spécialistes. Chaque registre linguistique est bien expliqué par la littérature depuis De Saussure (1960). Autrement dit, il faut souligner le sens des deux termes de la dichotomie classique langage/langue, avant de revendiquer « le plurilinguisme » à l'école, pour rendre compte du rejet du concept « langue unique » à l'école, par assimilation à celui de « parti unique ».

On peut parfaitement avoir plusieurs oraux et bien maîtriser les règles d'une seule langue. Dans ce cas, on n'est pas plurilingue mais monolingue tout en étant « polyglotte » : le concept de multilinguisme ne mélange pas oral et écrit. Ainsi :

- Le langage, au plan linguistique, c'est l'oral, identifié à la langue maternelle ; il se fonde sur la phrase du dialogue, qui n'a qu'un seul sens puisqu'elle porte sur un vocabulaire concret et quotidien et, au plan cognitif, il permet, en cours d'acquisition, la structuration spatio-temporelle.

- La langue, au plan linguistique c'est l'écrit, identifié à l'apprentissage des cultures et des civilisations ; elle se fonde sur des textes d'auteurs consacrés et, au plan cognitif, elle permet l'accès à la cohérence et la cohésion, deux règles universelles de l'écrit qui sont sources de créativité de sens en nombre infini.

Enseigner « la daridja », l'arabe écrit ne signifie donc pas enseigner deux langues, c'est mélanger deux registres de langue qui sont différents. Par conséquent, il ne faut pas brouiller les pistes et défendre, plutôt, l'idée d'introduire plusieurs langues dès le primaire, mais selon la pédagogie universelle.

Puisqu'il s'agit de « pédagogie scolaire », pour être scientifique, il est nécessaire de convoquer le concept d'observation, afin donc, d'éviter de tomber dans un langage subjectif. Dès lors qu'on observe le comportement du bébé jusqu'à 2 ans, on juge sa faculté de s'adapter au monde social ; dès lors qu'on agit sur le psychisme de l'écolier en lui donnant du neuf par une pédagogie théoriquement justifiée, on touche alors à son intelligence et à ses aptitudes à créer des idées et des sens qui feront de lui l'homme autonome.

On est donc là et dans les deux cas, dans la psychologie génétique, dans le courant cognitiviste. Ce cadre théorique universel intègre l'acquisition (0-6 ans) et l'apprentissage (6 ans-fin de la vie) et il est valable pour tous les enfants du monde, y compris les enfants algériens.

En plus, la science a prévu des tests étalonnés afin d'évaluer et de caractériser objectivement les compétences d'acquisition-apprentissage de 0 à 15 ans, compte tenu de chaque stade du développement de l'intelligence. Il ne faut donc pas, pour être crédible, chercher ailleurs pour décréter l'existence d'un trouble ou d'un « trauma » chez l'enfant à son contact avec le savoir nouveau à l'école.

1. L'approche théorique confrontée aux exemples concrets

1.1 Preuve scientifique de l'écueil du critère sociologique dans la sélection par la pédagogie

Fait expliqué par des savants, la réussite scolaire dépend non pas du critère sociologique mais de la qualité du processus d'acquisition-apprentissage. En effet, le critère sociologique a été très durement dénoncé dès les années 60 comme facteur potentiel de réussite vs d'échec scolaire par des sociologues de la trempe de Bourdieu. Observant justement le mode de communication de l'enseignant avec l'élève, par la langue, ce sociologue de la reproduction sociale, pour récuser le principe de la sélection par la pédagogie scolaire, a analysé, en 1960, le concept d'«héritage et de capital culturels», un «capital» présent chez tous les enfants du monde, quel que soit leur milieu socio-familial. Autrement dit, il a analysé le bagage socio-familial de l'enfant de 0 à 6 ans, au même titre que son contemporain, Piaget, psychologue du développement, en a analysé le bagage cognitif. Bourdieu, -je cite l'article « L'œuvre de Bourdieu, 2012- dans sa bien connue théorie de la reproduction sociale par le biais de l'école, a analysé, en 1960, comment le monde social agit sur le destin social des individus et il a dénoncé la surreprésentation des enfants des familles culturellement favorisées dans l'enseignement supérieur et, à l'inverse, la sous-représentation des enfants d'origine populaire, indiquant que l'école fonctionne comme une machine de sélection sociale. Approchant le processus depuis sa base, il a alors découvert et dénoncé le fonctionnement implicite de l'école, dans sa marque de « distinction » des classes sociales dominantes, marquée par une « complicité traditionnelle » et le fait que « toute action pédagogique est objectivement une violence symbolique, en tant qu'imposition, par un pouvoir arbitraire, d'un arbitraire culturel. Par sa dénonciation des pratiques pédagogiques traditionnelles et des modes de sélection qui leur sont associés, il a mis le doigt sur un pouvoir dont il estime devoir dénoncer les vices, mais qui, souvent les nourrit ». Ainsi, pour Bourdieu, le critère sociologique n'a pas de rôle dans le déterminisme de la réussite scolaire.

Piaget, dont l'œuvre est, elle aussi, mondialement reconnue et dans la même optique antiségrégationniste, préconise, lui, dans son étude sur le développement de la « logique » chez l'enfant, l'idée désormais classique, qu'il « suffit de mettre celui-ci en interaction positive pour que son intelligence se développe normalement quel que soit son milieu social ».

Si Piaget n'a pas insisté sur le type de langue (le langage oral ou l'écrit dans ses règles discursives) à donner à l'enfant à l'école, il en a, au moins, posé les piliers cognitifs. En effet, les thèses d'acquisition-apprentissage qu'avec Bourdieu, il suscitera chez des linguistes comme Chomsky, Penfield, Lenneberg, Jakobson, dans les années 60-70, seront basées sur ses concepts cognitivistes, lesquels sont fondamentalement marqués par la notion de capacités d'abstraction acquises, depuis l'âge de 4 ans, chez tous les enfants du monde, sans distinction de race ni de sexe ni de nationalité.

Ainsi, selon Lenneberg (1967), « la période critique » pour l'acquisition du langage commence vers l'âge de 2 ans et se terminerait avec la fin de la plasticité neuronale (la puberté), caractérisée par une forte plasticité du cerveau. Cette période est disposée à l'apprentissage de la langue. Elle concerne un comportement très spécifique et a une durée bien délimitée. Elle constitue un créneau de développement au-delà duquel le comportement en question n'est plus acquis. Les acquisitions-apprentissages des enfants qui ont grandi coupés du contact social, comme le cas de Victor de l'Aveyron, après leur réintégration, restent limitées et différentes. Ainsi en ira-t-il donc, de l'élève algérien, auquel l'oral de 18 mois sera ré-ingurgité à l'âge de 07-08 ans ; il sera donc en déphasage, il sera retardé mentalement une fois intégré dans un groupe de Tunisiens ou de Français de son âge.

Alors, quelle est donc l'interaction piagétienne, à même de susciter et de développer les compétences d'abstraction : la phrase du dialecte concret quotidien le « qalliqotlek » ou bien la langue du texte d'auteurs consacrés ? Le merveilleux du conte ? La couleur d'une poésie ? Il faut juste répondre à cette question très facile, pour cesser de noyer le poisson dans l'eau et de nous embourber dans des articles desquels ne ressortent que des idées générales, du style vœu pieux : « Il faut un enseignement « de qualité »? ; il faut bien un jour discuter la question des dialectes (comme si c'était le contexte en pédagogie !) ; nous devons sauver nos très précieuses et si chères valeurs? ; c'est l'UNESCO qui nous l'édicte,? ». Comme si l'Algérie manquait de spécialistes en acquisition-apprentissage et comme si l'intérêt du pays était plus et mieux défendu par les organismes internationaux (FMI, OMC, UNESCO?) que par ses citoyens.

Dans son Document Cadre de 2003, l'UNESCO, instance fondée sur la justice et la construction de sociétés du savoir, citée comme référence par nos sociologues, pour justifier leur consensus -« daridja » à l'école, encourage, en effet, mais rien que pour les enfants des pays postcoloniaux, le recours à la langue maternelle à l'école pour, argue-t-elle, prodiguer un enseignement de qualité. Le souci légitime de l'UNESCO c'est de préserver le patrimoine universel, matériel et immatériel. La défense des langues maternelles s'y déploie donc, dans un autre cadre, que celui proposé par les neurosciences, à savoir le cadre socio-politique et juridique. Ceci veut dire que dans le cas de la pédagogie, l'UNESCO ne peut pas faire abstraction des thèses universelles offertes, elles aussi et à égalité, pour tous les enfants du monde, par des Piaget et des Bourdieu, en vue, justement, d'une « école de l'intelligence égale et pareille pour tous ». Donc donner un « enseignement de qualité » c'est donner un enseignement qui développe l'autonomie intellectuelle, compte tenu de ces théories universelles-là. La « béquille-daridja » c'est, au contraire, de l'assistance sociale dont le recours serait devenu indispensable alors que, normalement et comme nous le faisons en orthophonie, cette « technique de soutien » n'est indiquée que pour les enfants retardés mentalement ou pour les aphasiques. En effet, le principe de base même, en thérapie d'un déficit de la communication, c'est le recours à des moyens de déconditionnement externes, que l'on « estompe » de façon très progressive?pour aboutir à l'autonomisation du patient.

Rappelons donc que ces mêmes enfants des pays postcoloniaux, fréquentent pourtant brillamment, au même titre que les autres enfants du monde, les universités françaises ou autres et que la psychologie génétique préconise un même développement psychologique pour tous les enfants du monde. Pourquoi alors les discriminer par l'école ? N'est-ce donc quand même pas un miracle, de voir que l'école algérienne qui, en fait, depuis les années 70, bloque, jusqu'à 12 ans l'élève algérien dans la phrase de l'oral (qui n'est que traduite en arabe écrit), parvient, néanmoins, à produire des docteurs de la Sorbonne ou des titulaires de Phd au MIT, ayant réussi mieux que leurs camarades étrangers ? Mais, il faut dire que l'Algérien, une fois à l'étranger, mettra les bouchées doubles pour poursuivre ses études, il perd donc du temps et de l'argent. Ceci ne voudrait-il pas dire que s'il avait eu les mêmes chances pédagogiques que son camarade non-algérien, à l'heure et jamais plus tard, à la période critique de l'hypothèse-déduction et jamais après, il aurait peut-être été un génie ?? Pourquoi ne recevrait-il donc pas les mêmes « armes » que son camarade Français ou Américain, comme lui, depuis l'enfance, puisqu'en science, chez l'enfant universel, tout est genèse selon des thèses universelles, depuis le premier cri ? Cela lui épargnerait alors, une fois adulte, le vrai traumatisme et le vrai choc, dus à sa prise de conscience de l'abus de confiance dont il a été victime dans son enfance, dans son pays. Tôt ou tard, la vérité finit par se savoir.

1.2. Comment le critère cognitiviste s'est-il donc imposé dans l'approche scientifique du processus d'acquisition-apprentissage scolaire ?

Clarifier le statut conceptuel du critère sociologique et le statut conceptuel du critère cognitiviste dans l'approche scientifique du processus d'acquisition-apprentissage scolaire, c'est d'abord essayer de comprendre la genèse et la méthodologie d'approche de ce processus à travers l'actualité : le concept de neurosciences cognitives, qu'il faut approcher, lui-même, dans sa genèse et dans l'objectif de sa création en Europe et en pays anglo-saxons, il y a à peine une vingtaine d'années.

Ce concept est né, pour des raisons purement économiques et aussi du fait que la vie n'est qu'un cycle qui se réitère. Jadis, toutes les sciences étaient portées par un même Homme, puis elles se sont séparées. Ayant évolué indépendamment au fil des siècles, elles ont, aujourd'hui, atteint leur limite. La crise économique fait que, dans des pays développés, de hauts diplômés sont au chômage, des universités et des entreprises ferment et licencient leurs personnels. La création des neurosciences vise alors la relance économique sous un angle neuf à travers l'optimisation de l'accès à la connaissance. C'est donc, c'est une question de survie. Ainsi, la médecine s'humanise et les sciences humaines se médicalisent parce que l'Homme, qui est corps et esprit, impose aujourd'hui, une approche transdisciplinaire, autrement dit, de la façon la plus exhaustive et la plus approfondie, qui soit.

La neurobiologie et la psychologie cognitive feront donc bon ménage. Ainsi, si les neurobiologistes n'ont pu, à ce jour, recréer l'ADN, la cellule et le cortex, ils tentent, néanmoins d'entrevoir avec un maximum de rigueur, comment ces paramètres fonctionnent lorsque l'Homme se comporte (comportement = social humain), en d'autres termes, ils l'observent lorsqu'il parle, écrit, lit, émet un son, marche, exécute un geste, va vers la drogue ou vers la violence. Cela veut dire que c'est l'injection du critère cognitif dans le critère biologique qui a fait émerger les neurosciences. D'ailleurs, ce n'est qu'aujourd'hui que je pense avoir compris pourquoi la psychologie cognitive a acquis, aux USA, un statut que n'a pas acquis la médecine, à savoir le statut de « noble science ». Les cognitivistes, pour améliorer la vie sociale de leur pays par le développement d'une intelligence optimale, cherchent même aujourd'hui, à travers l'observation du comportement d'écriture d'Ibn Rochd, ce qui a bien pu faire de ce personnage un génie. La cybernétique et l'intelligence artificielle ne suffisent plus aux pays du Nord, ils veulent des génies. Plus que cela, ils réfléchissent même, aujourd'hui, à la manière d'optimiser l'usage des 80% des capacités cognitives, parce qu'ils ont découvert que l'homme normal n'en utiliserait que les 20%. Préventifs donc, ces pays-là, veulent tout simplement demeurer exportateurs du fruit de leur cognitif, vers les pays du Sud, c'est pourquoi ils visent à approfondir et à améliorer au maximum du possible leur incursion dans les mystères du cerveau, puisque c'est cet organe-là qui loge l'intelligence, les compétences cognitives qui seront, demain, exportables. Ils reviennent alors à la thèse-découverte des 5ème-10ème siècles, selon laquelle « le cerveau est le siège de la pensée ». Ce n'est que onze siècles après l'âge d'or de la civilisation musulmane, âge fortement marqué par cette thèse-découverte, que naîtra l'associationnisme avec les travaux de Wernicke puis ceux de Broca lesquels, à la fin du 19ème-début du 20ème siècle, découvriront, respectivement, la zone corticale de la compréhension, puis celle de l'expression du langage et compréhension + expression = pensée.

En pratique, cela veut tout simplement dire que c'est le bagage cognitif humain qui détermine les comportements (le social humain). Le comportement social, expression formelle de l'intelligence, elle-même levier du développement d'un pays, est donc justifié par ce bagage cognitif qu'il faut savoir analyser pour en optimiser le développement si l'on veut une société développée.

La réussite scolaire dépend donc et en effet de la qualité du processus d'acquisition-apprentissage et non du critère sociologique. Ainsi donc, il faut investir dans le cognitif, dans la construction de l'autonomie de l'enfant et à « l'âge critique », jamais au-delà. C'est comme en médecine où l'on investit dans l'étiologie d'une maladie afin de la soigner sans se tromper. D'ailleurs, l'INSERM insiste aujourd'hui sur l'efficacité des thérapies cognitivo-comportementalistes parce que la société qui peut provoquer un traumatisme psychologique, un bégaiement ou une dépression, ne peut pas être modifiée en cours de thérapie. Le soignant en modifiera, alors, la perception par le patient, pour aboutir à son mieux-être social. Par exemple, lorsque, dans une situation sociale, je rencontre une personne, c'est ma pensée qui m'édictera de la saluer ou pas ; si j'ouvre la porte, c'est parce que je l'ai préalablement décidé. Penser que l'inverse serait possible (j'ouvre la porte et je décide ensuite de l'ouvrir) serait « le monde à l'envers ». Autrement dit, le critère social ne saurait se substituer au critère cognitif. Celui-ci le détermine et ce sont plusieurs comportements sociaux qui feront la société.

C'est l'enfant qui décide du sens qu'il veut donner à son environnement social : il en est maître. Il mange le gâteau qui est sur la table, comme il peut le ranger dans un frigidaire. La société donne donc à l'enfant de quoi réagir dès le cri de la naissance, de quoi se comporter en fonction de sa propre décision qui n'est pas la même que celle de son frère ou de son camarade ; cela s'appelle la personnalité ou « force » de créer ses propres synthèses, ses propres sens du monde social qu'il analyse inconsciemment et spontanément jusqu'à 6 ans, puis consciemment, stimulé par une méthodologie appelée la « pédagogie », à partir de 6 ans. À l'âge adulte, il exercera une profession, fruit de son intelligence, pour s'autonomiser, jusqu'à devenir, pourquoi pas, exportateur de son fruit intellectuel. Donc, l'intelligence c'est l'économie d'un pays, il faut savoir la construire à partir de l'âge scolaire. Pour cela et comme expliqué dans les 2 articles ci-dessus cités, il existe des théories universelles dont il faut déduire « les techniques pédagogiques ».

En clair donc, cela veut dire que le sociolinguiste, le psycho-sociologue et le sociologue de l'éducation n'expliquent pas l'échec scolaire, ils ne font qu'en approcher le symptôme. Et le symptôme, on ne peut que le décrire. Or, la science de haut niveau ne décrit pas, elle théorise, elle explique le fait afin de le prendre sérieusement en charge en cas de faillite. L'école est en faillite, il faut donc en donner les raisons. Ces raisons sont d'ordre psychologique : la pédagogie de la langue doit tout simplement s'appuyer sur les thèses d'acquisition-apprentissage universelles au lieu de laisser place à l'improvisation de thèses dangereuses et inexistantes ailleurs.

2. L'approche pratique et les questions qui seraient soulevées si l'oral venait à supplanter l'écrit (en sachant que le dessin a précédé l'écrit)

2.1. L'enfant algérien doit-il donc être « ausculté » à son entrée à l'école ?

L'orthophoniste isole à 6 ans, la maturation de dix (10) prérequis physiologiques, de la lecture-écriture (travaux de Borel Maisonny, repris par André Girolami Boulinier et Chevrie Muller, depuis les années 50-70). L'enfant universel connaît, à son entrée à l'école, grâce à la langue maternelle et au jeu de 0 à 6 ans, le degré de maturation idéal des 10 instrumentalités appelées par Borel Maisonny, créatrice de l'orthophonie dans le monde, « les prérequis de la lecture et de l'écriture » et ce, pour accéder à l'apprentissage de la langue. Ces prérequis sont : l'espace, le temps, le schéma corporel, la latéralité, le graphisme, la durée, l'intensité, le rythme, le timbre et la hauteur des sons. Physiologiquement, il passe, à l'aide de ce bagage cognitif, à la découverte d'autre chose que ce qu'il sait déjà pour, toujours davantage et mieux, développer son espace-temps, garant de sa liberté, base de son intelligence créative et de son autonomie. C'est bon, la langue maternelle lui a appris à voler de ses propres ailes. À l'école, il n'en a plus besoin comme « béquille », car il est normalement constitué, il est fait comme l'enfant allemand, suisse ou français, il laisse l'oral pour dialoguer avec son voisin ou pour demander une pomme à sa grand-mère laquelle, dans le cas où il ne savait pas encore parler à 6 ans, corrigera ses fautes mieux que le ferait la jeune institutrice, lui fournissant un dialecte « pur », à défaut de le faire ausculter par l'orthophoniste.

Craddock (1998) définit ainsi l'apprentissage : « Apprendre c'est intégrer des informations nouvelles ». L'oral donne justement au petit Algérien de quoi pouvoir accéder à l'information nouvelle. Une fois acquises, les 10 instrumentalités universelles et, une fois bien structuré dans l'espace-temps, il s'assoira, stable, devant une table pour recevoir les règles de l'écrit, cohérence et cohésion, opérations abstraites et logiques demandant concentration et attention, provoquées par le texte, la langue, qui le fera rêver, à l'âge universel qu'il faut (dès 4 ans). Lui imposer donc ce qui ne répond pas à son développement physiologique naturel en le faisant reculer au niveau de la phrase de l'oral, alors qu'elle est acquise à 18 mois, est une agression cognitive et posera donc un problème de conscience aux auteurs de sa marginalisation : son avis ne lui est pas demandé. Le recours aux thèses scientifiques universelles s'impose alors, il faut s'en servir, « couvert » par elles.

L'orthophoniste peut, par des tests, vérifier objectivement que les 10 instrumentalités sont bel et bien acquises à 6 ans chez l'enfant algérien normal et le psychologue, lui, pourra vérifier par des tests d'affectivité, qu'au contraire c'est le nouveau qui le remplit de joie et que c'est le « déjà appris » qui le rebutera. Pourquoi laisser alors, sans le vérifier de façon scientifique et objective, croire qu'il souffrirait d'un faible quotient intellectuel, d'une carence affective et d'une déstructuration spatio-temporelle dont le symptôme serait la manifestation d'un « psycho-trauma » dès que la maîtresse lui offre à découvrir du sens neuf, par la langue et la littérature qui le contiennent ?

 Les séquelles de la colonisation jusqu'en 1962 agiraient-elles donc sur son psychisme, de façon telle qu'il n'aurait plus, à 6 ans, en 2015, la faculté d'abstraction propre à tous ses congénères des autres pays ? Il faudrait donc l'assister en « greffant » son dialecte de 02-03 ans sur la langue du texte, faute de quoi, le choc serait décisif si la maîtresse venait à développer son schéma narratif piagétien, par le merveilleux du conte, qui le ferait s'abstraire du quotidien, de la phrase concrète de l'oral, du déjà connu et découvert. Est-ce de la réalité, de la caricature ou l'officialisation de l'erreur, qui a cours depuis les années 70 ?

Pourtant, dans les années 50-60, à un moment bien plus proche de la période de la colonisation que celui de sa scolarisation en 2015, j'ai appris la langue française à l'école mieux que le petit français de souche et j'avais de meilleures notes que lui. Ma maîtresse française ne connaissait pas un mot du tlemcénien et moi, pas un mot de français en première année primaire : nos parents nous interdisaient de parler la langue du colon à la maison. Un Algérien, qui ne connaît pas un mot d'anglais, parlera parfaitement cette langue au bout de quelques mois, parce qu'il aura eu le bain linguistique idoine et non parce que William lui aurait d'abord parlé en « daridja ». Voyons !! J'ai toujours su qu'on n'apprenait pas une langue en utilisant une autre langue, a fortiori, en utilisant un oral sommaire, imprécis, limité, qui amalgame 2 registres de langues, en mélangeant leurs pluriels, leurs conjugaisons, leur morphologie .. , signes assez dramatiques d'un appauvrissement de la pensée, depuis l'école.

Les sociologues inscrits en faveur de la « daridja » ont-ils donc accédé, eux, à la langue à l'aide de la « prothèse-daridja » ? Leur critériologie est sociologique, mais il y en a parmi eux qui se réclament des neurosciences, dont le substrat est cognitiviste. Une chose et son contraire. Fait élémentaire, lorsqu'on s'inscrit dans un courant, on n'adopte pas la critériologie d'un autre courant.

2.2 Et si l'on se plaçait à l'échelle mondiale ?

Pourquoi les petits Allemands qui, selon le Land dans lequel ils vivent, parlent des langues régionales très diverses (au moins une dizaine) issues du francique, de l'alémanique, du saxon, du haut allemand, du bas allemand..., ne subissent-ils donc aucune espèce de choc ou de traumatisme quand, à l'école, on leur apprend l'allemand standard que les Suisses, les Allemands et les Autrichiens unifient et enrichissent régulièrement ? Pourquoi cette problématique est-elle donc subitement devenue à l'air du temps ? Est-on donc réellement convaincu que la cause de l'échec scolaire en Algérie serait l'absence de l'oral comme « prothèse linguistique » en pédagogie de la langue ? N'est-ce donc pas plutôt le structuralisme phrastique de réapprentissage de l'oral à la place de l'apprentissage cognitiviste du texte et de la langue qui a ruiné l'intelligence et la réussite scolaire en Algérie ? Jusqu'à quand va-t-on donc se voiler la face ? Oublie-t-on donc que, dans une forfaiture dissimulée et généralisée, c'est la phrase de l'oral (traduite en arabe écrit) qui est ingurgitée à l'élève algérien, depuis les années 70 ? C'est bien cette forfaiture qui a conduit à l'échec auquel l'on assiste aujourd'hui. Comment donc lui assigner maintenant le rôle de remède-miracle pour sortir de l'ornière et mener au succès ? Pourquoi continuer à faire payer cette imposture aux enfants algériens ?

Comment, ainsi affublé à son insu, l'enfant peut-il donc se projeter dans le futur, à l'âge critique physiologique de l'acquisition de cette compétence, alors que l'interaction que lui offre l'école est négative : la phrase concrète au vocabulaire du quotidien ? Aujourd'hui, on s'obstine à vouloir y rester officiellement (avec la traduction en moins) au lieu d'appliquer la norme pédagogique universelle. En effet, il faut se rendre à l'évidence :la langue n'existe pas à l'école algérienne ! Sinon où est la liste, comme dans les sites français, des œuvres littéraires absorbées au primaire ? Combien de livres l'élève algérien a-t-il donc étudié de 06 à 12 ans ? Aucun ! Ces livres (pièces de théâtre, romans, poèmes, ?) seraient-ils donc répertoriés quelque part ou classés par paliers du primaire, dans des bibliothèques ? Sait-on donc, qu'en France, d'où le LMD est importé, les textes officiels, dont je cite un extrait (de l'année 2000), préconisent : « une heure par semaine d'activités dirigées facultatives, pour l'enseignement de notions élémentaires de lecture et d'écriture du parler local et à l'étude de textes choisis de la littérature correspondante » ? À ceci près donc que le livre d'auteurs consacrés demeure roi. En effet, le même texte poursuit : « Les ouvrages, qui sont placés dans les bibliothèques scolaires, permettront de faire connaître aux élèves les richesses culturelles et le folklore de leur région, les cours et stages porteront non seulement sur la langue elle-même, mais aussi sur la littérature et les arts populaires locaux ».

Soulignons le fait que le patois existe en France. Mais, le terme jugé péjoratif, a été remplacé, depuis peu, par "langues régionales". Les langues régionales ne sont pas toutes enseignées. Mais certaines comme le basque ou le catalan (Espagne) et le breton ou le corse (France), sont enseignées, mais comme objet d'études linguistiques et phonétiques ou sous la forme de littérature et elles restent facultatives et optionnelles en maternelle et au primaire.

Donc, Farouk Lamine (LQO du 18/08/2015), nous distinguons entre « patois-objet d'études scientifiques linguistiques et phonétiques, menées au sein des Laboratoires et Instituts de Recherches » et « patois-matière enseignée à l'école primaire ». Dans le premier cas, il s'agit de dresser des monographies et dans le second, il s'agit de réapprendre l'oral à l'école, alors qu'il a déjà été acquis avant 06 ans.

Aucun livre en « arabe familier » ou en « français usité » n'existe au sein des bibliothèques algériennes. Et voici un extrait de la « daridja » actuelle (qui, de surcroît, n'a rien à voir avec l'arabe « daridja » parlé juste après l'indépendance, en Algérie), qui reprend un échange interviewer-interviewée, entendu sur Canal Algérien, et dans lequel on peut noter qu'il n'y a que 08 mots en arabe pour 13 mots en français : « Had l'iti, kayen qodjafichtatwafestivo. Rohtga?lihoumbli bijoux d'apparat nta? tous les jours, waga?j'ai adoré pas mal ». (Par respect pour la langue, j'ai écrit les mots français comme ils doivent être écrits sauf lorsque des fautes y étaient commises). La situation est donc plutôt dramatique.

Quelle méthodologie pratique ces « spécialistes-experts-neuroscientifiques », mais néanmoins animés par le critère sociologique, préconisent-ils donc pour « faire glisser l'élève en douceur et sans choc » de l'oral vers l'écrit ? Vont-ils préconiser « la traduction de l'oral » ? De quelle langue ? De l'arabe « familier » ou du français « usité » ? En quelle langue ? En français ? En arabe ? Pour laquelle langue arabe, de grâce, arrêtons la liste des autres adjectifs, car il y a une seule langue arabe, comme il y a une seule langue française ou anglaise ?Vont-ils le « transcrire » ? Avec quel alphabet ? Vont-ils « corriger » cet exemple de corpus de l'oral puisé du dialogue de 2 interlocutrices d'une chaîne de télévision ? Si oui, à l'aide de quels référentiels ? Combien existe-t-il donc de monographies linguistiques (grammaticales, phonologiques, phonétiques ,?) des dialectes algériens ? La maîtresse pourra-t-elle donc les maîtriser ? Les comprendra-t-elle ?

3. Recommandations

Il faut enrichir, autant que faire se peut, l'élève de langue, de littérature arabe, de littérature berbère, de littérature française et de littérature anglaise.

Au contraire ! Il faut repenser la méthode d'enseignement de l'arabe à l'école et des autres langues d'ailleurs, en mettant en œuvre intelligemment tous les outils informatiques et l'appui sera là, non la béquille-« daridja », mais le micro-ordinateur. Il faut surtout proscrire les mélanges de registres de langues, aboutissant à ce qui est qualifié par les citoyens de bonne foi, d'« analphabètes trilingues » et par ceux qui prônent l'investissement de l'oral à l'école, de « plurilingues », soit par ignorance des concepts soit par exploitation de la naïveté du non spécialiste (mais dans quel but ?). La « daridja » c'est pour la grand-mère, la rue, le marché, mais pas pour l'école. À l'école, c'est la langue arabe, berbère, anglaise, française, allemande?et non le langage, le dialecte.

Dans le monde de l'école de la réussite et en pratique pédagogique, l'oral, le dialecte quotidien et le langage quantifiable sont bannis, car il n'y a rien de neuf à découvrir ni à traiter ni à imaginer ni à rêver, contrairement à tout ce que procure comme compétences d'abstraction un conte, une pièce de théâtre, une poésie..., lesquels suscitent un nombre infini d'interprétations. Exemple : 250 œuvres littéraires au C2 français, lorsque l'élève a 07-08 ans (site eduscol.education.fr), du fait que c'est le texte, la langue, l'écrit, qui favorise l'esprit de synthèse, l'hypothèse et la déduction par l'argumentation, la créativité par l'abstraction, le sens du projet rêvé et à réaliser. Pourquoi l'élève algérien reçoit-il donc zéro œuvre littéraire ? Est-il donc, comme tous les autres enfants du monde, lui aussi, animé de curiosité ou non ? La langue donne pourtant le sens du projet, de la projection dans le futur, l'inexistant, source de curiosité. Ceci confère l'autonomie future à l'enfant, afin qu'il devienne un cadre capable de résoudre toutes sortes de problèmes, toutes sortes de difficultés sociales, jusqu'à même devenir exportateur du fruit de son cognitif. C'est bien l'intelligence qui fait le développement, l'économie, la prospérité et le génie d'un pays !

4. Conclusion

À partir de cette analyse cognitiviste, on voit bien qu'en Algérie, la tendance en sciences de l'Homme, s'inscrit dans le critère social, sans référence au critère cognitif, alors qu'il le détermine. En médecine, cela s'appelle l'étiologie. En Algérie, on ne s'attaque donc pas à la cause du mal social, on s'attaque plutôt à son symptôme et le symptôme, on ne peut que le décrire, on ne l'expliquera que si l'on remonte à ce qui le détermine : le cognitif, géré par le cerveau. De ce fait, des problèmes graves sont approchés par des thèses inappropriées. À l'université, les projets neuroscientifiques sont d'ailleurs harcelés par les psycho-sociologues des comités décisionnels cooptés. Les neurosciences sont et seront donc en Algérie, c'est pourquoi une école de l'intelligence sera donc, elle aussi : question de survie, c'est notre seule issue face à la crise économique. Les années d'assistance et de vaches grasses ne sont pas pérennes. Comme le Français et l'Allemand, l'Algérien doit apprendre à produire, pour vivre, c'est pour son propre bien-être. L'Homme normal ne supporte pas de dépendre d'un autre Homme, il privilégie l'échange, dans un rapport d'égalité.

Il est donc grand temps de s'atteler à dépasser l'observation du comportement-symptôme social pour aller vers son explication, son fonctionnement cognitif, de manière à pouvoir l'approcher objectivement lorsqu'il s'avère un comportement d'échec afin de rattraper le concert des nations.

Et ce n'est pas là une différence de point de vue relativement à celui des sociologues ; par rapport à la question de l'école, il s'agit d'un progrès, d'un avancement de l'idée. L'école explique l'intelligence et donc le social humain qui est aujourd'hui sérieusement atteint. Un élève avec un 18 au baccalauréat, qui ne sait pas raisonner et un chercheur de 50 ans qui peine pour écrire un article devraient être la sonnette d'alarme. Il faut d'extrême urgence soigner l'école à partir de l'étiologie de son mal, car en Algérie, elle est gravement malade. Il suffit donc de rétablir l'école universelle, qui est cognitiviste et non sociologiste et le génie de l'enfant algérien ré-émergera, pour servir son pays et pas un autre.

Pour l'heure, le Nord exporte le fruit de son cognitif vers les pays du Sud, dont l'Algérie, qui ne fait que consommer sans produire, qui ne fait qu'observer, passivement donc, le symptôme social, conséquence de l'échec cognitif : l'addiction aux drogues, la violence, le manque d'autonomie scolaire. Cet échec est marqué, depuis les années 70, par un enseignement spécifique de la langue, qui est limité à la répétition de la phrase concrète de l'oral traduite en arabe écrit, exercices réservés aux aphasiques et aux débiles mentaux, mais qui sont devenus subitement aujourd'hui, dans un aveuglement inexplicable, le remède médical miracle d'ordre « assistance sociale », « la prothèse daridja », alors que c'est précisément ce type d'enseignement unique au monde qui en est la cause patente.

Les Algériens n'ont pas besoin d'un prêt-à-penser quelconque et la science n'est la chasse gardée d'aucune personne, ni d'aucun organisme international. On est neuroscientifique lorsqu'on est tenant du cognitivisme et non de la sociologie ; c'est le cognitif de l'élève algérien qui est compromis. Le recours aux idées du spécialiste et à l'expert n'est donc pas qu'utile, il s'impose, si vraiment l'on veut un apprentissage scolaire « de qualité ».

Pour garantir crédibilité et objectivité à tout propos se réclamant des neurosciences, il faut donc retenir le fait que tout est expérience de terrain, validée par l'évaluation-expertise du prédécesseur, tout est référence, tout est preuve, tout est « évidence » (terme anglais utilisé par Philippe Evrard, 2015) et toute réflexion qui ambitionne de se hisser à un niveau scientifique doit être menée dans un cadre théorique explicite pour que les pistes ne soient pas brouillées. Nous faisons assez les frais de l'auto-expertise, aboutissant à cette sorte de slogans en série auxquels on assiste, facteur de la chute libre de l'université.

Ainsi, mon argumentation n'est ni un vœu pieux ni une assertion infondée. C'est le résultat de recherches scientifiques, datées et référencées par les travaux de savants de renom planétaire. L'expertise spontanée n'en est, en effet, pas une. Malheureusement, en Algérie, il est de notoriété publique que les compétences qui n'ont aucune visée politique ni pécuniaire sont, elles, minutieusement exclues de la décision (comités scientifiques, commissions ministérielles,?) parce qu'elles « risquent », justement, de libérer la créativité du futur cadre, pouvant devenir exportateur de ses « thèses », à l'heure où l'importation suffit encore, pour le nourrir.

Le critère social se situe en aval et non en amont du critère cognitiviste, lequel fait justement les neurosciences. Par conséquent, se réclamer des neurosciences mais tout en fournissant une démonstration basée sur le critère social, s'avère, pour le moins, antinomique et laisse donc assez perplexe le spécialiste de l'école qui est, par définition, le lieu d'épanouissement cognitif de l'élève qui fera aujourd'hui l'Homme social autonome de demain. Selon la norme universelle.

*Département d'orthophonie, URNOP-Université d'Alger 2