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De la langue de bois à l'art de communiquer

par Ahmed Farrah

Les habitudes ont la vie dure, résistent et ont du mal à disparaître. Le système des démocraties centrales a produit des tuteurs de peuples qui pensent, projettent et décident pour eux. Ils sont «magnanimes», sans demander leur avis, ils leur imposent du «bonheur» forcé, comme ils le conçoivent, pour les minorer et les asservir, pas le vrai, le libérateur celui que veulent ces peuples infantilisés et soumis à leur protectorat. Quand ils parlent, ils ont raison, ils sont infaillibles et ne se trompent jamais. Il faut les écouter avec attention, acquiescer et leur montrer qu'on est subjugué par leur éloquence, avec des gestes et le regard et surtout leur ponctuer le discours avec des ovations et des youyous et des hourras et des ? Souvent leur discours n'est que langue de bois pour travestir et détourner la réalité avec des mots creux et insensés que personne ne comprend; ils dissimulent leur incompétence en recourant à des banalités abstraites, prétentieuses, empathiques, sentimentales, flatteuses et passionnelles afin d'éviter d'aborder les faits et le fond des sujets qui les embarrassent. Quoiqu'ils excellent dans le populisme démagogique en ciblant et en s'opposant aux élites, ils n'arrivent pas toujours à mener et à manipuler le petit peuple afin de s'attirer ses faveurs. Ils ne comprennent pas que le retour du signal n'est que le reflet de ce qu'ils émettent à leur cible. Ils ne savent pas qu'ils sont responsables de leur communication et de sa perception par les autres. Dans le monde particulièrement sensible aux médias, une mauvaise communication peut faire tellement de ravages qu'il est important de la laisser à des spécialistes qui ont reçu une formation de journalisme, de communication et de relations publiques. La récente descente aux enfers de Madame Benghebrit en est l'exemple le plus édifiant, quand la communication politique est laissée à des technocrates pédagogues, ne faisant pas dans la langue de bois, aussi sincères qu'ils soient ! Mais qui se croient naïvement dans un amphithéâtre devant leurs étudiants, où la communication est souvent verticale entre un émetteur et un récepteur perdu dans ses notes. Communiquer n'est pas forcément convaincre tout le monde, mais émettre le point de vue de la partie qui désire le faire savoir aux autres, en prenant le soin de maximiser l'impact et de ne pas dissoudre l'essentiel dans une profusion d'informations que seuls les initiés peuvent connaître les tenants et les aboutissants de leur sens, et que les profanes lobotomisés et les citoyens lambda déforment et les rendent vraies sur les réseaux sociaux pour, enfin, les descendre en vrac. Il existe pour cela des structures appropriées pour débattre, convaincre et décider dans la sérénité et en toute souveraineté, avec l'accord de la représentation élue. Ne mélangeons pas les choses ! A quand donnons-nous à la communication la vraie place qu'elle lui échoit ? A quand cessons-nous le bricolage, source du mal des mots destructeurs ? En tout cas, la venue des réseaux sociaux et leur expansion sonnera certainement le glas, très prochainement, des monopoles des sources et de la forme de la «communication» d'aujourd'hui.