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La Grèce poussée vers le gouffre

par Yazid Alilat

C'est comme une mise à mort d'une bête blessée, mais personne ne souhaite être l'auteur du coup fatal. Il en est ainsi de la situation financière catastrophique de la Grèce, paralysée socialement, politiquement, et incapable de faire face à ses échéances face d'abord aux deux grands inquisiteurs financiers du monde contemporain, le FMI et la Banque mondiale, ensuite la BCE (Banque centrale européenne).

La Grèce est quasiment en situation de banqueroute financière, et ce qui a davantage assombri le tableau, c'est ce «non» de dimanche du peuple grec au référendum pour la mise en place en urgence d'un plan de réformes et d'austérité financières dicté par l'UE, le FMI et la BM. Le «oui» aurait eu pour effet de livrer le pays au diktat des politiques de Bruxelles et, surtout, d'appauvrir encore plus les Grecs avec les mesures d'austérité économique prévues par le FMI. Le «oui» aux réformes de l'UE et du FMI aurait encore plus d'effets désastreux sur la population grecque qu'un «non», qui refuserait des solutions économico-financières clés en main. D'autant que le pays a déjà traversé deux périodes de crises financières sans pouvoir vraiment amorcer durablement une période solide de croissance.

Car, en marge de la réunion d'urgence des ministres européens des Finances hier mardi à Bruxelles, il est un fait aujourd'hui qu'une majorité bruyante de pays ne veulent plus entendre parler d'un plan de soutien à la Grèce, qui a déjà bénéficié de deux plans d'aide d'un montant global de 240 milliards d'euros. Aujourd'hui, la situation est que certains pays membres de l'UE de l'Est européen, dont les pays baltiques, ne veulent plus prolonger les discussions. Car en toile de fond du drame grec, il y a la hantise pour les autres pays de l'UE aux économies fragiles de connaître la même tragédie économique, et que tout l'édifice financier de la zone euro ne tombe comme un château de cartes.

Il ne faut guère s'étonner dès lors que le ministre letton des Finances, Janis Reirs, aille jusqu'à dire que «un Grexit ne serait pas un problème pour l'Europe». Plus nuancé, le ministre maltais Edward Scicluna estime quant à lui qu'un Grexit (une sortie de la zone euro) est une «possibilité réaliste» mais il ne faut pas l'agiter comme un bâton. Et, comme une tache d'huile, la Grèce voit se répandre le camp de ceux qui veulent l'assigner à de drastiques et dramatiques réformes, à défaut d'être évincée de la zone euro.

L'Allemagne, ultralibérale et qui a peur que ne s'effrite l'équilibre financier qu'elle a mis en place au sein de l'UE, les pays de l'Est, ainsi que ceux qui ont été durement frappés par la crise de la dette, comme le Portugal, veulent tous pousser la Grèce vers la sortie. Au point que le vice-président de la Commission européenne lâche tout simplement qu'une sortie de la Grèce de la zone euro n'est «pas exclue» si Athènes ne présente pas «un paquet de réformes crédibles». En Grèce pourtant, les temps sont durs: les Grecs, après les restrictions budgétaires et la faillite des banques qui n'ont plus de liquidités, n'ont plus droit qu'à un retrait de 60 euros par jour pour vivre. Dur !