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CHLEF: Scènes «banales» du Ramadhan

par Bencherki Otsmane

Le spectacle est unique en son genre. La scène s'est passée en ce quatorzième jour du Ramadhan, juste après la prière d'El-Asr (vers 17 heures) non loin d'une mosquée située à la périphérie de la ville de Chlef. Deux chauffards, la trentaine environ, sont venus très rapidement aux mains après avoir échangé des « amabilités acerbes » durant quelques minutes. Trop rapidement peut-être ? D'autant plus que la cause est que l'un des deux chauffards n'aura pas cédé la priorité à l'autre. Faisant fi des klaxons provenant de la file de voitures bloquées, l'un des chauffeurs descendit de son véhicule et se rue sauvagement sur son adversaire en utilisant un vocabulaire vulgaire. Après quelques coups échangés sans gravité, les deux protagonistes sont vite séparés par les fidèles qui venaient justement de sortir de la mosquée. Il faut dire que de pareilles scènes sont devenues « monnaie courante » où la patience semble avoir disparu où pour un rien c'est les insultes suivies de bagarre. Généralement les rixes commencent en milieu de journée et se dissipent après la rupture du jeûne. Il faut dire que les journées ramadhanesques ont de multiples visages en Algérie. Face à la fatigue et à l'abstinence, certains deviennent vraiment agressifs et pour un rien la violence s'invite et se termine malheureusement pour les uns aux services des urgences des hôpitaux et pour les autres aux postes de police ou de gendarmerie. C'est le cas d'un vendeur de fruits et légumes activant au niveau du marché de « La Cité », une banlieue de Chlef, qui s'est retrouvé à l'hôpital, jeudi dernier, pour subir des sutures sur son bras après avoir reçu un coup de couteau de son adversaire pour une affaire de? place. Bien entendu, l'agresseur fut arrêté quelques heures plus tard par les policiers et présenté au procureur qui a ordonné son incarcération à la prison de la ville. Ce genre de comportement est souvent décrié aussi par les imams lors de leurs prêches que par d'honorables citoyens qui pour eux le carême rime avec sérénité, paix, spiritualité, élévation vers le Miséricordieux, solidarité et amour envers autrui et les gens ne se reconnaissant pas dans ces principes élémentaires et valeurs n'ont certainement pas fait Ramadhan, même si leur ventre est vide.

Il est vrai que certains citoyens en cette période de carême deviennent impolis, arrogants, incultes, médiocres, paresseux, colériques, intolérants, et ces critères sont majorés au moment où justement la foi est mise à rude épreuve, quand d'autres sont un exemple d'adaptation et font l'honneur de la religion. Bien entendu, certaines personnes incriminent cette situation à l'état de dépendance des jeûneurs vis-à-vis de la nicotine et de la caféine, deux substances dont ils sont devenus accros. Un imam d'une petite mosquée de la localité de Bénairia dans la daïra de Zéboudja n'a pas hésité à user d'un franc-parler pour interpeller, à sa manière, ses fidèles sur cette agressivité qui domine les journées du Ramadhan. Si « les démons sont enchaînés durant le mois de Ramadhan, les portes du paradis s'ouvrent, et celles de l'enfer se ferment ; il est à se demander s'il n'aurait pas fallu que les portes du paradis soient fermées et celles de l'enfer soient ouvertes, et que les diables soient libres, pour que nos concitoyens soient de très bonne humeur durant le mois de Ramadhan ! ».

 De toute évidence rien ne pourra justifier le recours à la violence, à un moment où de nombreuses personnes estiment que la violence dans notre société n'est pas spécifique au Ramadhan, mais plutôt un phénomène qui règne dans les jours ordinaires ; et le problème « réside dans l'individu algérien », car comment expliquer que ce même citoyen se comporte autrement au cours du mois de Ramadhan sous d'autres cieux, notamment en Europe. La question mérite d'être posée.