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Au centre

par El-Guellil

La famille nombreuse habite au centre-ville. Ils auront de l'eau, un jour sur deux, à des heures précises. Dans les deux pièces, cuisine et toilettes, ils ne peuvent installer un réservoir. Salut l'hygiène. Il n'y a pas de balcons. Seules les deux fenêtres qui donnent sur une cour leur permettent de voir la lumière du jour. Du soleil, il n'y en a point. Des moustiques, il y en a énormément. De l'espace, il n'y en a point. Des jerrycans, il y en a à profusion. Des salaires, il n'y en a point. Des enfants, il y en a beaucoup. Des ktef, il n'y en a point. Des machakil, il y en a beaucoup.

L'aîné de cette famille rentre à six heures du matin. Il réveille le cadet pour la relève. C'est lui qui doit gérer la tabla doukhène, que l'aîné avait installée toute la nuit près de l'hôpital, et permettre à son grand frère d'occuper le lit la journée. Les enfants scolarisés dorment dans la cuisine. C'est pratique, car toute la journée ils sont dehors, soit à l'école, ou dans la rue. Deux d'entre eux travaillent à leurs heures perdues. Comme ils en ont beaucoup... Ils ont été recrutés pour leur belle voix aiguë. Tous les jours après les heures de classe, ils confient leurs cartables à un camarade, qui les ramène à la maison, et courent grimper dans le fourgon. Ils arrivent éreintés, leurs voix éteintes d'avoir hurlé «ma hlou...» pendant des heures. Leurs parents n'osent même pas leur demander de réviser ou faire leurs devoirs de classe. Les trente dinars qu'ils gagnent en trimant, leur sont payés en liquide. C'est eux qui approvisionnent la maisonnée en eau douce.