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Les gladiateurs des temps modernes

par M. Abdou BENABBOU

On ne sait pas de quel art il s'agirait ! Voilà une prétendue vedette internationale qui a pour métier de courir derrière un morceau de cuir et qui, à chaque fois qu'il cogne dessus, il donne un coup de pied à plusieurs fois le SMIG d'un modeste salarié. Dans une arène fermée, porter pendant deux petites heures des chaussures sur lesquelles sont griffonnés un ou deux tatouages d'une firme prétendue mondiale lui rapporterait l'équivalent du budget du Niger ou de la Somalie. Le drame dans cette gloire déraisonnée est que nous en sommes nous-mêmes les architectes farfelus. Dans notre passion d'une débilité sans qualificatif justifié pour le sport, nous nourrissons dans une folle liesse les ingrédients de notre propre suicide.

Nous avons l'impudence et l'impudeur de nous demander pourquoi le monde ne tourne pas rond. Et en même temps nous avons du plaisir, comme les Romains hier, à voir jeter dans la fosse nos semblables humains, dévorés par nos élans primitifs et nous ne nous rendons pas compte que ce sont nos propres tombes que nous sommes en train de creuser. Nous feignons d'ignorer que les stades et les champs de guerre obéissent souvent à la même approximation de l'esprit primaire et que les gladiateurs des temps modernes sont les pires saltimbanques de la diversion politique.

Quel serait donc ce raisonnement qui nous entraîne à supporter corps et âmes un petit jongleur sportif au point de lui vouer parfois la raison de notre existence quand des millions d'enfants à nos portes meurent de faim ? L'homme ne serait-il donc qu'un pitre pantin pitoyable si fragile et si vulnérable qui ne serait capable de ne se conformer qu'aux bassesses les plus animales quand un salaire mensuel est évalué en milliards d'euros alors que des millions d'humains se nourrissent de racines à défaut de pain rassis ?

Et l'on s'étonne, effarouchés, de voir les bras grands ouverts des mers et des deltas pour offrir des transhumances dramatiques à des populations entières à la recherche d'une hypothétique survie.