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Le commerce se meurt à la rue «Saint Jean»

par R. C.

Les commerçants de la rue Belouizdad (ex-Saint Jean), située dans le centre-ville de Constantine, ne soupçonnaient guère l'ampleur du préjudice que subiraient leurs commerces du fait des travaux de ravalement des façades et la réfection des trottoirs.

Installés devant leurs commerces, depuis la fin de l'été pour la majorité, les échafaudages ont presque bloqué la circulation sur les trottoirs et l'accès aux magasins. Les commerçants ont pensé, à tort, avouent-ils, que leur chiffre d'affaires va être revu à la hausse une fois la rue aura fait peau neuve. Mais « le constat est tout autre, déjà une perte de 70% du chiffre d'affaires habituel», soutiennent-ils encore. «On a été très coopératifs, on a ôté nos enseignes amovibles et donc, nos fidèles clients on les a automatiquement perdus, parce qu'ils trouvent depuis, des difficultés à s'orienter dans ce hideux décor de chantiers qui perdure et à reconnaître un magasin parmi d'autres », ajoute un vendeur d'habillement. On trouve toutes sortes de commerce à Saint Jean et donc la marchandise vendue est très variée, allant des accessoires à l'habillement passant par les denrées alimentaires.

Tous les vendeurs ont subi le coup dur d'un marasme commercial jamais vécu auparavant dans cette rue très commerçante où les loyers dépassent les 10 millions de centimes par mois, le loyer le plus bas, d'un kiosque de 2 mètres carré atteignant facilement les 7 millions de centimes, ce qui accentue, d'ailleurs, l'ampleur des dommages financiers occasionnés. Les vendeurs de téléphones portables, de tablettes et d'accessoires ont souffert à l'instar des autres commerces de cette stagnation, «le commerce électronique est en perpétuel mouvement, si on ne vend pas une marchandise rapidement, elle reste automatiquement chez nous», précise un vendeur dans le créneau du mobile.

L'habillement n'est pas en reste, bien entendu, «on fait une liquidation au sens propre du terme, des costumes qui devraient être vendus à pas moins de 10 millions de centimes, sont cédés à moitié prix, malgré l'entretien quotidien, la poussière finit toujours par avoir le dernier mot. J'ai dû protéger toute ma marchandise avec du cellophane et malgré cela elle a été altérée, à telle enseigne que les clients refusent de la payer à son vrai prix en avançant que, et on leur donne entièrement raison, c'est une veille marchandise ». Avec la fin des travaux qui ne pointe guère à l'horizon, et un hiver qui ne semble pas avoir l'intention de quitter la ville cette année, la rue Saint Jean est devenue un lieu par où les Constantinois évitent soigneusement de passer, alors qu'elle était l'endroit le plus animé de tout le centre-ville. On ne s'arrête même pas devant les vitrines, cela demande une certaine agilité avec ces eaux qui stagnent. Les ordures jonchant les trottoirs, les amas de sacs de graviers, les débris des travaux, les barres métalliques des échafaudages empilées les unes sur les autres. «On a bouché les bouches de certains égouts avec des sacs de gravats, l'évacuation des eaux pluviales est devenue défaillante, les trottoirs sont constamment remplis de boue», s'insurge un commerçant. Une dame qui passait ne s'est pas empêchée d'ajouter, «rentrer dans un magasin se révèle parfois très dangereux pour certains, on n'y arrive pas sans faire des acrobaties». Et à un commerçant de confirmer ses propos, «beaucoup d'accidents sont effectivement arrivés aux passants et aux riverains, les personnes âgées surtout, parfois un passant en voulant éviter une barre d'échafaudage trébuche sur une autre par terre !». Les riverains et les commerçants ne croient plus aux arguments, jugés «fallacieux», qu'on avance comme prétexte à l'arrêt des travaux, «on parle des mauvaises conditions climatiques, mais même par des journées ensoleillées ils ne viennent pas, il fait beau aujourd'hui (ndlr, jeudi 26 février) et personne n'est présent». Certains riverains pointent du doigt l'implication de plusieurs personnes à tour de rôle dans les travaux, «on ne compte plus le nombre de sous-traitants, les visages changent constamment, et ce ne sont pas les mêmes visages qu'on a vu tout au début des travaux». C'est donc dans cet état d'anarchie totale que la rue bruyante de Saint Jean est devenue une rue morne et triste, au grand dam des jeunes constantinois qui y trouvaient un lieu de grande convivialité, «on était les derniers à fermer, on ne fermait pas avant 9 heures du soir, maintenant à peine sonne 6 heures de l'après-midi et tout le monde baisse rideaux, les clients nous boudent, autant ne pas faire durer cette situation plus longtemps», se lamentent les commerçants. En signe de protestation contre cette situation intolérable, les commerçants ont fermé leurs boutiques durant la matinée de dimanche dernier, et ils ont même transmis leurs doléances au wali. En sus de ce qui a été dit, les commerçants cherchent à sceller un accord avec les pouvoirs publics pour la rénovation toute entière de leurs vitrines et de l'intérieur des magasins.

A signaler qu'un autre mouvement est toujours envisageable au courant de la semaine si les travaux de réfection des trottoirs et de ravalement des façades traînent encore plus longtemps, et si les échafaudages ne sont pas déplacés rapidement, préviennent certains commerçants.