Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

FCE : le 1er produit à «100%» local est une élection !

par Kamel Daoud

Le 100% qui choque. Pas celui de la voiture 100% algérienne. Du made in. Ou du jus d'orange. Ce sont les voix qui ont élu Ali Haddad (ETRHB/RADP). Un peuple entier. Aucune abstention. Pas un seul refuznik. Le chiffre a fait rire le peuple écrasé et a rappelé un peu aux élites cette migration postcoloniale du concept : un Président est élu à 80% mais un chef de Patron l'est à 100%. Les dictatures ont bien changé de métier.

Mais que reproche-t-on dans l'esprit algérien à cet homme ? L'enrichissement, la proximité insolente avec Bouteflika (Saïd), les marchés publics, la bio Khalifa et «les chantiers d'art sans fin» et de mauvaise qualité. Et il est vrai que les Algériens n'aiment pas la réussite de l'individu. Il est vrai que nous sommes soupçonneux envers la fortune des autres, car nés pauvres, tous, en 62. Et il est vrai que mis à part médire, on n'a rien sur Haddad le Président ETRHB/RADP.

Le bonhomme a donc raison un peu de parler de jalousie, de nationalisme, de bonne foi ? Pas tout à fait. Même si l'Elu de la RADP a été élu à mains levées, filmées et photographiées, en toute transparence, il l'a été dans un système pourri. Ceux qui viennent à lui sont les produits de cet abus d'obéissance qu'il semble provoquer dans les milieux d'affaires et politiques. Haddad est vu comme émissaire, représentant de l'autre homme fort, messager du «Système» Bouteflika qui peut punir, ruiner ou mettre sous embargo une entreprise ou une fortune. Haddad vit un conte de fées mais ses soutiens ont peur du cauchemar. La «famille de la proximité» terrorise et on préfère lever la main que baisser le pantalon en gros. Les gens ont peur dans son milieu, autour de lui, de lui. Le parfait portrait d'un dictateur mais qui feint de l'ignorer dans l'exaltation de son mythe de libérateur aimé du peuple.

Haddad peut être honnête homme, sincère, travailleur et sain d'esprit et de poche, il est le fils d'un régime, son frère, son ami, son incarnation, désormais. Son élection peut être honnête et «massive», elle est la preuve de cette monarchisation qui aujourd'hui ne s'embarrasse pas des apparences. Quel wali osait, ces dernières années, lui dire non, ne pas lui sourire ou lui serrer la main ? Quel ministre oserait contredire cet homme ? Quel bureau technique va oser bloquer ses chantiers ou quel PDG va s'aventurer à ne pas mettre à sa disposition administrations, chiffres ou bureaux ambulants ? Tous vivent l'ascension de cet homme comme la fable d'un enfant gâté, craint mais que l'on va subir en attendant que cela passe. C'est un nouvel article 120.

Et c'est dommage : on aurait espérer la fin du tabou privé/régime autrement, sur le mode de la stratégie nationale de la conquête du monde et de la région et pas sur le mode d'une élection ridicule à 100%. L'Algérie gagnerait à mettre fin au système kasma par la création d'une culture de l'entreprise et de la réussite qui va profiter à tous, mais pas sur le mode de la khalifasition. On aurait espéré voir émerger un patronat fort, capable de peser avec réalisme sur les délires populistes du régime finissant. Là aussi, comme l'indépendance, le libéralisme algérien est mal parti comme un parti unique. On aurait dû commencer par parler du rêve de «100% algérien» au lieu de commencer par une élection à 100% des voix.

Un libéralisme algérien est né, mais sous forme d'une kasma FLN !