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UNE AUTORITE POUR UNE CASTE

par M. Saadoune

Dissoudre l'Autorité palestinienne ? Mahmoud Abbas, qui sait pertinemment que les négociations ne mènent nulle part et que les accords d'Oslo ne font que créer des obligations sans contrepartie au non-Etat qu'est l'Autorité palestinienne, a laissé entendre, dans un entretien à un journal égyptien, qu'il pourrait se résoudre à le faire. Sans convaincre.

Ils sont nombreux les Palestiniens qui ont compris que l'Autorité palestinienne n'était pas une rampe de lancement pour l'Etat palestinien mais plus concrètement un alibi pour l'extension des colonies. Et ils savent que Mahmoud Abbas reste un velléitaire, attentif jusqu'à l'absurde aux remontrances de Washington qui, c'est un euphémisme, n'a rien d'un médiateur dans le conflit. Et la porte-parole du département d'Etat est venue rapidement rappeler à ceux qui profitent - et assurément ils sont une minorité - de l'Autorité palestinienne ce qu'ils auront à perdre dans le cas où celle-ci est dissoute. Message rapidement capté à Ramallah où Saeb Arekat, le «négociateur en chef», s'est empressé de dire «qu'aucun Palestinien ne parle d'une initiative de démanteler l'Autorité palestinienne». Selon lui, les «démarches israéliennes ont annulé toute la portée légale, politique, sécuritaire, économique et opérationnelle des prérogatives de l'Autorité palestinienne». De la litote.

Ce qui sera retenu est que l'idée à peine énoncée d'une dissolution est tout de suite démentie. On est bien dans cette réalité. L'Autorité n'est d'aucune utilité pour la majorité des Palestiniens, elle sert une minorité et surtout elle s'installe dans une démarche de négociation fictive où les services de sécurité palestiniens assurent «l'ordre» tandis que la colonisation se poursuit. Un terrible jeu de dupes où les dirigeants de Ramallah sont tenus en laisse par Washington. Les Israéliens sont pratiquement certains que les négociateurs du vent ne lâcheront pas cette «Autorité» qui leur octroie un statut qui ne débouche sur rien de concret pour les Palestiniens. Un ministre du Likoud a été sec : Mahmoud Abbas bluffe de nouveau.

Ramzy Baroud, journaliste et écrivain palestinien, relevait l'assurance ironique avec laquelle un vice-ministre des Affaires étrangères israélien, Ze'ev Elkin, a affirmé que la Cisjordanie est «l'endroit le plus stable du Moyen-Orient». Il constate à cet effet le rôle de supplétif assuré par l'Autorité palestinienne. Les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne sont en «coordination sécuritaire» avec Israël, ses officiers sont entraînés par les généraux américains et arabes. Il refait le constat, implacable, déjà établi par d'autres Palestiniens : la mission de l'Autorité palestinienne «n'est pas de libérer la Palestine mais d'assurer l'asservissement des Palestiniens pendant qu'Israël continue à s'occuper du projet colonial qu'il déploie depuis des décennies».

Voilà la réalité palestinienne aujourd'hui. L'Autorité palestinienne est depuis longtemps un élément du problème, elle n'est pas une solution. Mais c'est une Autorité tellement «nécessaire» pour le maintien de «l'ordre». Les Palestiniens ne tiennent pas compte des menaces de Mahmoud Abbas de la dissoudre. Cela fait partie du jeu minimum pour se donner un semblant de légitimité. L'Autorité palestinienne et les flux d'argent qui sont venus et qu'Israël bloque à sa guise souvent ont permis l'émergence d'une «classe politique palestinienne prédatrice contrôlant tout et corrompue», écrit Ramzy Baroud. Cette caste d'Oslo qui n'a pas vraiment besoin d'un Etat et qui se contente de le «négocier» sans fin est devenue une grande entrave à la libération.