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Réélection de Bouteflika : Paris et Washington soucieux de leurs intérêts

par Yazid Alilat

La réélection du président Abdelaziz Bouteflika pour un 4eme mandat a été saluée par Paris, un des pays à avoir porté un rare intérêt au dernier scrutin présidentiel.

Le président français François Hollande, en pleine tempête politique qui a fait vaciller son quinquennat et qui a dû se séparer après la peu honorable défaite des socialistes aux municipales de son bras droit Jean Marc Ayrault, éclaboussé ces derniers jours par la démission de l'un de ses conseillers, n'a pas perdu le nord. Après l'annonce officielle vendredi après-midi de la 4ème élection de suite du président Bouteflika, François Hollande a été le premier chef d'Etat occidental à le féliciter. Une position d'ailleurs qui exprime et confirme en même temps l'intérêt manifeste de la France pour qu'il y ait une continuité politique en Algérie. D'abord une continuité politique, ensuite le maintien de la même équipe gouvernementale avec laquelle les PME, politiques, financiers, diplomates et responsables des services de sécurité français peuvent poursuivre un travail déjà entamé depuis le début du premier quinquennat de Bouteflika en 1999. Satisfaction donc à Paris qui fait l'économie de nouvelles stratégies de communication et d'approche si Bouteflka avait été battu. Dans un communiqué laconique de l'Elysée, le président français «souhaite un plein succès» au président Bouteflika. «Au lendemain de la réélection d'Abdelaziz Bouteflika, le président de la République lui souhaite un plein succès dans l'accomplissement de sa haute mission», ajoute l'Elysée. La promptitude avec laquelle la France a réagi aux résultats du scrutin présidentiel en Algérie donne une idée sur les appréhensions des milieux d'affaires et politiques en France quant à une défaite de Bouteflika et l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle équipe présidentielle. La réélection de M. Bouteflika est dès lors perçue comme un gage de maintien de certains intérêts stratégiques de la France en Algérie, et pas seulement sur le plan économique ou diplomatique. Car autant à Alger comme à Paris on n'aurait voulu chambouler un lourd programme sécuritaire commun de lutte contre le terrorisme et des efforts déployés pour pacifier et stabiliser tant la sous-région maghrébine que sahélo-sahélienne. Paris a énormément investi dans cette filière pour qu'il se voit du jour au lendemain obligé de revoir sa stratégie et ses plans de défense dans le nord de l'Afrique et au Maghreb où l'Algérie fait figure de leader régional en matière de lutte antiterroriste et de puissant négociateur dans les conflits armés régionaux.

SOUS LE PRISME US

C'est en quelque sorte la même perception des choses à Washington où, si la réélection de Bouteflika n'a pas été encore ?'enregistrée'', on considère l'Algérie comme une tête de pont dans la lutte contre le terrorisme, la pacification de la région du Sahel et comme un rempart contre la propagation du terrorisme au Sahel. Mme Jen Psaki, porte-parole du département d'Etat, avait souligné à la veille du scrutin présidentiel que les Etats-Unis accordent une attention particulière au partenariat avec l'Algérie. Elle a précisé lors de son briefing quotidien mardi dernier que si les Etats-Unis ?'n'engagent pas de soutien à des candidats dans les autres pays, ce qui demeure le cas pour l'élection en Algérie, ils observent de près les élections''. Lors de sa visite à Alger, le chef du département d'Etat John Kerry avait notamment discuté avec son homologue Ramtane Lamamra autant du partenariat stratégique, de la lutte antiterroriste que de cette élection. Semblant ainsi observer la situation en Algérie à la suite de ce scrutin, les Etats-Unis ont réitéré leur volonté de renforcer le partenariat stratégique avec l'Algérie ainsi que la coopération dans la lutte contre le terrorisme. ?'Le secrétaire d'Etat, John Kerry, était en Algérie et nous y avons discuté de diverses questions dont notre coopération sur les questions de lutte contre le terrorisme et le renforcement de nos partenariats stratégiques, et cela se poursuivra certainement'', a ajouté la porte-parole du département d'Etat. Une position qui n'étonne pas et n'apporte pas beaucoup d'éléments nouveaux, car Washington est depuis septembre 2011 en mode ?'lutte anti terroriste'' et, surtout, en position de défense de ses intérêts stratégiques dans le monde, et en Algérie où la coopération énergétique est le liant qui fait courir les Américains entre les puits de pétrole et de gaz algériens. La venue de Kerry à Alger à la veille de l'élection présidentielle et ses discussions lors d'un énigmatique dîner à avec Sid Ahmed Ghozali, l'ex-patron de Sonatrach dans les années 1970, donnent ainsi de la matière pour tous ceux qui pensent que les Etats-Unis, en dépit de cette position désintéressée vis-à-vis du scrutin présidentiel, ont retenu leur souffle durant toute la journée de jeudi, même si les sondages étaient favorables à Bouteflika.